Etude des neuropeptides dans les circuits spinaux avec un accent particulier sur la
somatostatine.
Résumé
La capacité à se mouvoir est une des propriétés les plus remarquables des animaux et elle est indispensable à la fois pour leur survie et leur reproduction. La locomotion résulte d’interactions complexes entre de nombreuses structures supra-spinales et la moelle épinière. En utilisant le poisson-zèbre comme modèle d’étude, des travaux récents ont révélé l’existence dans la moelle épinière d’un nouveau circuit neuronal impliqué dans le contrôle du mouvement. Ce circuit repose sur une population de neurones senroriels appelés cerebrospinal fluid contacting neurons (CSF-cNs). La réalisation d’un transcriptome des CSF-cNs a révélé que ces cellules expriment les gènes codant pour plusieurs neuropeptides. Les neuropeptides sont des modulateurs très importants de l’activité du système nerveux. Diverses études ont montré que plusieurs d’entre eux peuvent agir sur les fonctions locomotrices. Dans la plupart des cas toutefois, leurs mécanismes d’action sont inconnus. Ma Thèse avait pour objectif principal l’étude du rôle des neuropeptides produits par les CSF-cNs sur la locomotion. La première partie de mon travail a porté sur le rôle de l’un de ces neuropeptides, la Somatostatine 1.1 (Sst1.1), dans le contrôle de la locomotion innée. J’ai pour cela généré par CRISPR/Cas9 un mutant invalidé sur le gène sst1.1. Afin d’étudier ce mutant, j’ai développé une système d’analyse comportementale à haut débit, basé sur une version améliorée du système ZebraZoom. Ce système permet d’enregistrer le comportement de nage de près d’une centaine de larves simultanément. Grâce à lui, j’ai pu examiner en détail les paramètres de nage de larves de 5 jours dans trois types comportements : la nage rectiligne, les virages de routine (routine turns) et la réponse de fuite provoquée par un choc acoustique. Mes résultats indiquent que les mutants sst1.1 ont des réponses de fuite normales et qu’ils passent la même proportion de leur temps que les témoins sauvages en nage rectiligne et en virages de routine. Les caractéristiques de ces manœuvres de virage sont les mêmes entre les mutants et les contrôles. En revanche, celles de la nage rectiligne se sont révélées différentes. En effet, sur des milliers d’évènements enregistrés, nous avons observé que, pendant chaque épisode de nage, les larves mutantes sst1.1 se déplacent dans l’ensemble sur de plus longues distances, sur une plus longue durée et à une vitesse plus élevée avec une amplitude de courbure de la queue plus importante. Pris ensemble, ces résultats suggèrent que la Sst1.1 a pour effet normal de réduire la distance, la durée et la vitesse de la nage rectiligne. D’autres études toutefois seront nécessaires pour élucider les mécanismes mis en jeu dans cet effet inhibiteur de la Sst1.1 sur la nage innée. En effet, à ce stade de nos investigations nous ne pouvons être certains que la Sst1.1 responsable de cet effet est réellement celle secrétée par les CSF-cNs. L’étude transcriptomique évoquée ci-dessus m’a également conduit à sélectionner un ensemble de sept autres gènes codant pour d’autres neuropeptides, scg2a, nppc, tac3a, des protéines sécrétées, msmp2, ems1 et ngb, et un composant de la machinerie de sécrétion, syt6b. La seconde partie de mon travail m’a conduit à valider l’expression de ces gènes dans les CSF-cNs et à générer par CRISPR/Cas9, des lignées de poissons invalidées pour chacun d’eux. Aucun de ces mutants n’a pour l’instant révélé d’anomalies morphologiques ou comportementales. Des analyses plus approfondies de leur phénotype devront être envisagées. En conclusion, mes travaux ont démontré le rôle d’un neuropeptide, la Sst 1.1, dans le contrôle de la locomotion innée chez le poisson-zèbre. Ils indiquent donc que le poisson-zèbre, grâce notamment au système d’analyse comportementale à haut débit que j’ai développé, est un modèle bien adapté pour mettre en évidence l’implication, souvent subtile, des neuropeptides dans la locomotion innée.
Abstract
Locomotion is one of the most remarkable function of animals and it is essential both for their survival and their reproduction. The generation of sophisticated motor behaviors relies on the complex interplay between supraspinal brain structures and circuits in the spinal cord. By using zebrafish as a genetic model organism, recent studies have revealed the existence in the spinal cord of a new neural circuit involved in the control of movement. This circuit relies on a population of peculiar neurons called cerebrospinal fluid contacting neurons (CSF-cNs). Transcriptome analysis of CSF-cNs revealed that these cells contain high levels of transcripts coding for several neuropeptides. Neuropeptides are important modulators of the activity of the nervous system. Various studies have shown that several of them can act on locomotor functions. In most cases, however, their mechanisms of action are unknown. The main objective of my PhD thesis was to study the functions of the neuropeptides produced by the CSF-cNs. The first part of my work focused on the role of one of these neuropeptides, Somatostatin 1.1 (Sst1.1), in the control of innate locomotion. For this purpose, I generated a mutant invalidated on the sst1.1 gene by CRISPR/Cas9-mediated genome editing. In order to study this mutant’s behavior and compare it to wild fish, I developed a high throughput behavioral setup. This set-up is based on an improved version of the ZebraZoom system and allows to record the swimming behavior of almost one hundred larvae simultaneously. Using this system, I was able to examine in detail the swimming parameters of 5-days larvae during three types of behavior: acousto-vestibular escape responses, spontaneous routine turns and spontaneous forward swims. My results indicate that the sst1.1 mutants have normal escape responses. During exploration, sst1.1 mutant larvae exhibit the same proportion of forward swims and routine turns as control siblings. While sst1.1 mutant larvae perform normal routine turns, they show differences in spontaneous forward swims. We observed in over thousands of locomotor bouts that during each of these bouts, sst1.1 mutant larvae overall swim over longer distances, longer duration and at higher speed due to larger tail bend amplitude. Taken together, my results suggest that Sst1.1 inhibits locomotion in the slow regime, in particular during forward swims by reducing amplitude of tail bends, bout duration and distance travelled. However, further studies will be needed to elucidate the mechanisms involved because at this stage of our investigations there’s no certainty that the Sst1.1 responsible for these effects is actually secreted by the CSF-cNs. The transcriptome study mentioned above also led me to select a set of seven additional genes encoding for other neuropeptides, scg2a, nppc and tac3a, secreted proteins, msmp2, ems1 and ngb, and a component of the secretory machinery, syt6b. In the second part of my work, I validated the expression of these genes in the CSF-cNs and generated knockout fish lines for each of them by CRISPR/Cas9-mediated genome editing. At the moment, none of these mutants have revealed any morphological or behavioral abnormalities. Further analysis of their phenotype will be therefore needed. In conclusion, my work has demonstrated the role of a neuropeptide, Sst1.1, in the control of innate locomotion in zebrafish. It therefore indicates that the zebrafish, especially thanks to the high throughput behavioral setup I developed, is a suitable model to highlight the subtle involvement of neuropeptides in innate locomotion.ction and by an increase of neuronal activity in the hypothalamus.
Présentée le 22 juin 2020
Laboratoire où a été préparée la thèse : CNRS UMR 7221 Physiologie moléculaire et adaptation. Muséum national d’Histoire naturelle
Sous la direction de Hervé Tostivint et Claire Wyart