La néogenèse cellulaire dans l’hypothalamus : un nouveau mécanisme de contrôle de la fonction de reproduction ?
Résumé
Malgré sa complexité, le cerveau intègre en permanence de nouvelles cellules – à la fois neuronales et gliales – au-delà du développement embryonnaire et ce, tout le long de la vie. La période postnatale est caractérisée par une gliogenèse intense. A l’âge adulte, de nouveaux neurones et cellules gliales sont produits dans des régions restreintes à partir de cellules souches/progénitrices (CSP) localisées dans des niches. Les deux niches de CSP adultes les mieux décrites sont la zone sous-ventriculaire des ventricules latéraux, qui produit de nouveaux interneurones olfactifs, et la zone sous-granulaire du gyrus denté de l’hippocampe, où de nouveaux neurones en grain sont produits localement. Des travaux menés ces dernières années ont montré qu’une neuro- et une gliogenèse avaient aussi lieu dans l’hypothalamus postnatal, une petite région du diencéphale ventral qui régule des processus physiologiques vitaux tels que le métabolisme, la reproduction, le sommeil et la thermorégulation. Si l’identité des CSP hypothalamiques reste débattue, de nombreux travaux s’accordent sur l’importance de la neurogenèse hypothalamique postnatale dans le contrôle du métabolisme. Cependant, la possibilité que la genèse postnatale de cellules contribue aussi au contrôle de la fonction de reproduction, une autre fonction clé de l’hypothalamus, restait à explorer. L’objectif premier de mon travail de thèse était de rechercher si la genèse de cellules dans l’hypothalamus postnatal est impliquée dans le contrôle de la reproduction, une fonction physiologique qui requière un haut degré de plasticité. La fonction de reproduction est orchestrée par une petite population de neurones produisant la neurohormone Gonadotrophin-Releasing Hormone (GnRH). Ces neurones, qui naissent en dehors du cerveau, sont en place dans la région préoptique (RPO) de l’hypothalamus à la naissance. Cependant, ils doivent subir une maturation postnatale pour acquérir le profil de sécrétion qui leur permettra d’initier la puberté et d’assurer la fertilité de l’individu. Dans une première étude, grâce à une combinaison d’approches in vitro et in vivo, nous avons mis en évidence une vague d’astrogenèse dans l’environnement des neurones à GnRH au sein de la RPO au cours des deux premières semaines de vie postnatale chez la ratte. Nos résultats suggèrent que les neurones à GnRH utilisent la prostaglandine D2 pour attirer les progéniteurs environnants et que ce recrutement est important pour la maturation sexuelle. Dans une deuxième étude, nous avons recherché si de nouvelles cellules naissent à l’âge adulte dans des régions hypothalamiques qui contrôlent la fonction de reproduction. Nous montrons que des cellules sont produites dans la RPO chez la ratte adulte et que leur taux varie au cours du cycle oestral, suggérant une régulation par les stéroïdes sexuels. De plus, nous montrons que la survenue d’une gestation stimule la néogenèse cellulaire dans une zone de la RPO qui contrôle le comportement maternel. Si la néogenèse hypothalamique adulte a surtout été étudiée chez les rongeurs de laboratoire, il reste à déterminer si ce phénomène existe aussi chez l’homme. Pour aborder cette question, nous avons évalué dans une troisième étude l’expression de marqueurs de CSP dans l’hypothalamus humain adulte, comparativement au rongeur (souris, rat) et à un primate lémurien, le microcèbe. Nous montrons que l’hypothalamus humain adulte contient des populations de cellules au profil antigénique de CSP, dont certaines semblent propres à l’homme. Au total, ces travaux montrent que de nouvelles cellules naissent dans des régions hypothalamiques qui contrôlent la fonction de reproduction au cours de la vie postnatale et à l’âge adulte chez la ratte, et que ce phénomène est important pour la maturation sexuelle. L’observation de CSP putatives dans l’hypothalamus humain adulte suggère que la capacité de l’hypothalamus à produire de nouvelles cellules à l’âge adulte existe aussi dans notre espèce.
Abstract
Despite its complexity, the brain keeps adding new cells – both neuronal and glial – beyond embryonic development and throughout life. The postnatal period is characterized by intense and widespread gliogenesis. During adulthood, both glio- and neurogenesis occur in restricted locations from stem/progenitor cells (NPC) residing in niches. The two best-described niches of adult NPC are the subventricular zone of the lateral ventricles, which provides new interneurons to the olfactory bulb, and the subgranular zone of the hippocampal dentate gyrus that locally produces new granule cells. The last decade has seen an accumulation of studies showing that neuro- and gliogenesis also occur in the postnatal hypothalamus, a small portion of the ventral forebrain surrounding the third ventricle that regulates essential physiological processes such as metabolism, reproduction, sleep and thermoregulation. Even though the identity of hypothalamic NPC remains a matter of debate, a growing body of evidence points to postnatal hypothalamic neurogenesis relevance for the control of metabolism. However, a possible contribution of postnatal hypothalamic cell generation to the central control of reproduction, another key function of the hypothalamus, remained to be explored.The main aim of my doctoral researches was to evaluate whether the generation of new cells in the postnatal hypothalamus contributes to the central control of reproduction, a physiological function known to require a high degree of plasticity. The reproductive function is controlled by a small population of neurons producing the neurohormone Gonadotrophin-Releasing Hormone (GnRH). These neurons, which are born in the nasal placodes, are in place at birth in the preoptic area (POA) of the hypothalamus. However, they need a postnatal maturation to reach a mature secretory pattern that will trigger puberty and subsequent fertility.In a first study, using a combination of in vitro and in vivo experiments, we showed that a wave of astrogenesis occurs in the POA from local progenitors in the environment of GnRH neurons during the first weeks of postnatal life in the female rat. We identified prostaglandin D2 as a factor used by GnRH neurons to attract progenitors in their vicinity and showed that impaired progenitor recruitment alters sexual maturation.In a second study, we evaluated whether cell neogenesis still occurs during adulthood in hypothalamic regions relevant for the reproductive function. Our results showed that new cells are born in the POA of adult female rats. The rate of cell neogenesis varies across the estrus cycle, suggesting a regulatory influence of gonadal steroids. Moreover, we showed that gestation impacts the rate of cell neogenesis in a POA region implicated in the control of maternal behavior.While cell neogenesis in the adult hypothalamus has been mainly studied in laboratory rodents, it remains to be known whether this phenomenon also occurs in humans. To start addressing this question, we evaluated in a third study the expression of a panel of NPC markers in the adult human hypothalamus and compared it to that found in rodents (mouse, rat) and a lemur primate, the grey mouse lemur. Our results showed that the adult human hypothalamus contains populations of cells with an antigenic profile of NPC, some of which appear specific to humans.Altogether, this work shows that new cells are born in hypothalamic regions controlling reproduction throughout postnatal and adult life in female rats, and that this process is required for sexual maturation. The identification of NPC marker-expressing cells in the adult human hypothalamus suggests that the capacity for cell neogenesis also exists in the hypothalamus of our species.
Présentée le 20 décembre 2017
Laboratoire où a été préparée la thèse : Centre de Recherche Jean-Pierre AUBERT Neurosciences et Cancer (Lille) – Centre de Recherche Jean-Pierre AUBERT – Neurosciences et Cancer (JPArc).
Sous la direction de Ariane Sharif