Résumé
La reproduction est intimement liée à la balance énergétique, particulièrement chez les espèces sauvages exposées à des variations saisonnières de photopériode, de température et surtout de disponibilité en nourriture. L’objectif de ces travaux de thèse était d’étudier les mécanismes centraux qui régissent la régulation saisonnière de ces deux fonctions en utilisant la gerboise Jaculus orientalis, un modèle animal saisonnier connue pour avoir une adaptation particulièrement importante à son environnement désertique. Au printemps, quand les conditions environnementales sont favorables, la gerboise devient sexuellement active ; elle présente une augmentation de la taille des gonades et des taux circulants de stéroïdes sexuels corrélée avec une augmentation de peptides régulant la reproduction, notamment le GnRH. En parallèle avec ces changements, la gerboise présente une diminution de son poids corporel et de sa prise alimentaire. Au contraire en automne, quand les conditions environnementales deviennent défavorables, la gerboise inhibe son axe reproducteur, augmente sa prise alimentaire et son poids corporel et se prépare ainsi à l’hibernation.
Dans une première partie de ce travail de thèse, nous avons analysé comment les gènes codant pour des peptides hypothalamiques impliqués dans la régulation centrale de la reproduction (Kp et RFRP-3) et de la balance énergétique (POMC, NPY et somatostatine) sont régulés en fonction des saisons. De façon intéressante, nous avons montré une augmentation coordonnée au printemps de l’expression des gènes codant pour les neuropeptides impliqués dans l’activation de l’axe reproducteur (Kp et RFRP-3) et l’inhibition de la prise alimentaire (POMC et somatostatine), indiquant que les rythmes saisonniers de la reproduction et de la prise alimentaire sont associés à des changements synchronisés de Kp, RFRP-3, POMC et de la somatostatine, et suggérant ainsi une régulation saisonnière coordonnée de la reproduction et de la balance énergétique. Ensuite notre deuxième objectif était d’évaluer comment Kp et RFRP-3 pourrait être impliqués dans la régulation de la prise alimentaire chez des gerboise mâles et femelles capturés de leur propre biotope au printemps et en automne. Nous avons montré que l’injection centrale de Kp inhibe la prise alimentaire chez les gerboises femelles de printemps privées de nourriture, mais pas celles nourries ad-libitum, et que cet effet est associé à une augmentation de l’expression du gène Pomc et une diminution de l’expression du gène Rfrp. Par ailleurs nous avons trouvé que l’injection centrale du RFRP-3 induit une augmentation importante de la prise alimentaire chez les gerboises femelles nourries ad-libitum, un effet associé à une diminution de l’expression génique de la POMC et une augmentation de l’expression du gène codant pour le NPY. L’effet orexigène du RFRP-3 s’observe pendant les deux saisons tandis que l’effet anorexigène du Kp a lieu uniquement au printemps. Dans l’ensemble, ces résultats montrent une variation saisonnière coordonnée des neuropeptides contrôlant la reproduction et la balance énergétique et rapportent pour la première fois des effets opposés de Kp et de RFRP-3 sur la prise alimentaire chez la gerboise femelle en proposant des cibles neuronales hypothalamiques spécifiques expliquant ces effets, appuyant donc notre hypothèse d’une interaction des réseaux hypothalamiques régulant les axes reproducteur et métabolique pour l’adaptation des espèces saisonnières à leur environnement.
Présentée le 26 septembre 2016
Laboratoire où a été préparée la thèse : Neurobiologie des Rythmes, Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives, CNRS UPR 3212 Université de Strasbourg et Laboratoire de Neuroendocrinologie et Environnement Nutritionnel et Climatique «LANENC» de la Faculté des Sciences Dhar El Mahraz de Fès (Maroc)
Nom du directeur de thèse : Valérie Simonneaux (Strasbourg) et Seloua El Ouezzani (Fès)