Rôle de l’inflammation hypothalamique dans les dérégulations de la balance énergétique
Résumé
L’hypothalamus est une aire cérébrale clé dans la régulation de l’homéostasie énergétique qui contrôle notamment la prise alimentaire et les dépenses énergétiques. Pour cela, l’hypothalamus intègre des signaux humoraux, neuraux ainsi que des informations directement données par les différents nutriments. Les neurones et les cellules gliales hypothalamiques agissent de concert pour réguler dans le temps et l’espace les fonctions métaboliques de l’hypothalamus. Aussi il pourrait exister un lien causal entre inflammation hypothalamique et les dérégulations du comportement alimentaire, comme la perte de poids ou l’obésité. Cette neuroinflammation perturberait l’activité cellulaire ainsi que la synthèse et/ou la sécrétion de multiples neurotransmetteurs/médiateurs, dérégulant l’homéostasie énergétique.
Les objectifs de cette thèse portaient sur le rôle de l’inflammation hypothalamique dans le développement d’une perte ou d’un gain de poids excessifs. Nous avons cherché à identifier les relais moléculaires entre l’inflammation centrale ou systémique et les systèmes neuropeptidergiques de l’hypothalamus impliqués dans la régulation de l’homéostasie énergétique, en nous concentrant sur les chimiokines.
D’une part, nous avons identifié la chimiokine CCL2 et son récepteur CCR2 comme des éléments de signalisation essentiels dans la perte de poids associée à une inflammation aigue chez la souris induite par l’injection centrale de lipopolysaccharide bactérien. L’activation de CCR2 exercerait des effets inhibiteurs directs sur les neurones hypothalamiques exprimant la MCH, peptide connu pour ses effets orexigènes, qui contribueraient à la perte de poids induite par l’injection de lipopolysaccharide ou de CCL2.
D’autre part, nous nous sommes intéressés à la réponse inflammatoire dans l’hypothalamus suite à une consommation de régimes hyperlipidiques, entraînant, à terme, un gain de poids voire une obésité. Nous avions trois objectifs: 1)identifier une chimiokine pouvant lier inflammation hypothalamique et augmentation de la prise alimentaire et/ou du poids ; 2) déterminer si la nature des lipides contenus dans le régime hyperlipidique peut influencer le développement de l’obésité, et 3) identifier l’impact de la consommation d’un régime hyperlipidique à très court-terme, sur la plasticité gliale dans l’hypothalamus.
Nous avons trouvé, dans des modèles murins d’obésité nutritionnelle, que 1) la chimiokine CCL5 favoriserait la prise de poids, possiblement en augmentant l’activité des neurones hypothalamiques à MCH ; 2) modifier la nature des lipides composant un régime hyperlipidique a un impact sur la cinétique de développement de l’obésité, en lien avec des changements du profil inflammatoire et 3) la consommation excessive de lipides peut induire une astrogliose et une microgliose très précoces dans l’hypothalamus médio-basal. En conclusion, la consommation excessive de lipides, notamment saturés, peut entraîner une inflammation centrale, qui elle-même, pourrait contribuer à l’obésité en activant des réseaux de neuropeptides hypothalamiques.
L’ensemble de nos résultats qui identifient les chimiokines comme cibles thérapeutiques potentielles dans le traitement des dérégulations du comportement alimentaire, souligne l’intérêt de cibler l’inflammation hypothalamique dans ces pathologies.
Mots-clés : neuroinflammation, perte de poids, obésité, comportement alimentaire, hypothalamus, chimiokines, neuropeptides, régimes hyperlipidiques.
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Abstract
The hypothalamus is a key brain region in the regulation of energy homeostasis, in particular by controlling food intake and energy storage and expenditure. It integrates humoral, neural and nutrient-related signals and cues to ensure balance between energy intake and expenditure. Hypothalamic neurons and glial cells orchestrate together, both spatially and temporally, correctly regulated metabolic functions of the hypothalamus.
Numerous studies suggest a causal link between hypothalamic inflammation and the deregulations of feeding behavior, such as weight-loss (symptom of a primary disease) or obesity. This inflammation would disrupt cellular activity together with synthesis and/or secretion of multiple neurotransmitters/mediators that are involved in the maintenance of energy homeostasis.
The general goal of this thesis was to increase our knowledge on the role of the hypothalamic inflammation in the occurrence of excessive weight loss or gain. Furthermore, we sought to identify mediators that could act as intermediaries between central or systemic inflammation and neuropeptidergic systems of the hypothalamus that are involved in the regulation of energy homeostasis, focusing on chemokines.
First, we studied the effect of a central injection of bacterial lipopolysaccharide, mimicking a acute and strong inflammation state in mice. We identified the chemokine CCL2 and its receptor CCR2 as essential signaling elements in the weight-loss induced by this treatment. The activation of CCR2 would exert direct inhibitory effects on hypothalamic neurons expressing MCH, a peptide known to have orexigenic and energy conservative effects, thus contributing to the weight-loss elicited by a lipopolysaccharide or CCL2 injection.
Second, we were interested in the inflammatory response of the hypothalamus to high-fat feeding, which, eventually, induces weight-gain and possibly obesity. We determined three main objectives: 1) to identify a chemokine that could link hypothalamic inflammation and food intake increase and/or weight-gain in an obese context; 2) to determine if the nature of the lipids entering the composition of a high-fat diet can alter the kinetics of obesity development and 3) to identify the impact of very brief high-fat feeding on glial plasticity in the hypothalamus. We found in murine models that: 1) the chemokine CCL5 would promote weight-gain, possibly by enhancing the activity of hypothalamic MCH neurons; 2) altering the lipid composition of a high-fat diet changes the kinetics of the development of diet- induced obesity, together with changes in the inflammatory profile of mice and 3) an excessive dietary lipid intake can induce very early astrogliosis and microgliosis in the mediobasal hypothalamus. In conclusion, excessive dietary intake, in particular saturated fatty acids, can induce a central inflammation, which can, in turn, promote the development of obesity through activation of specific neuropeptidergic circuits in the hypothalamus.
Taken together, our results underline the interest of reducing hypothalamic inflammation to fight feeding behavior deregulations and identify chemokines as putative therapeutic targets.
Key words: neuroinflammation, weight-loss, obesity, feeding behavior, hypothalamus, chemokines, neuropeptides, high-fat diets.
Présentée le 14 décembre 2016
Laboratoire où a été préparée la thèse : IPMC-CNRS UMR 7275, Sophia Antipolis, Valbonne
Nom du directeur de thèse : Carole Rovère