Vulnérabilité à l’éthanol chez le rat adolescent et adulte : Impact du stress prénatal.
Identifier les facteurs capables de prédire et/ou de modifier la vulnérabilité à l’éthanol constitue une étape importante dans la compréhension des origines de l’alcoolisme. L’objectif de cette thèse était de déterminer si l’exposition à un stress lors de la période intra-utérine pouvait moduler durablement (lors de l’adolescence et à l’âge adulte) la vulnérabilité à l’éthanol. Pour cela, nous avons utilisé le modèle du stress prénatal chez le rat (stress de contention de la mère gestante). Deux aspects furent étudiés: 1) la sensibilité aux effets hormonaux, neurobiologiques et comportementaux produits par une administration d’éthanol ; 2) la propension à consommer l’éthanol.
1) Quel est l’impact du stress prénatal sur la sensibilité aux effets de l’éthanol ?
Nous avons démontré que les animaux adolescents stressés prénatalement sont moins sensibles aux effets d’une injection d’éthanol au niveau hormonal (hypo-activation de l’axe corticotrope) et neurobiologique (hypo-activation des défenses anti-oxydantes dans l’hippocampe) . Une alcoolisation chronique de plusieurs mois (éthanol 10%, voie orale) engendrait des déficits partiels de la reconnaissance spatiale chez les rats témoins. Au contraire, ce même traitement améliorait les performances des animaux stressés (abolition de déficits mnésiques constitutifs) . Nous n’avons pas observé de dommage oxydatif dans l’hippocampe après l’alcoolisation chronique. En revanche, dans cette structure cérébrale, les récepteurs métabotropiques au glutamate du type I et II étaient affectés différemment par l’éthanol chez les rats exposés au stress prénatal. Ces variations pourraient en partie sous-tendre les effets opposés de l’éthanol sur la mémoire chez les animaux témoins et stressés.
2) Quel est l’impact du stress prénatal sur l’appétence pour l’éthanol ?
Nous avons évalué chez les rats stressés in utero la préférence pour l’éthanol lors de l’adolescence, période critique dans développement des conduites addictives, et à l’âge adulte. Nos résultats montrent que le stress prénatal n’altère pas la préférence pour l’éthanol chez le rat mâle. Cependant, un traitement chronique à l’éthanol augmente les quantités de DeltaFosB (un facteur de transcription impliqué dans la vulnérabilité à la consommation de drogues) dans le noyau accumbens, sélectivement chez les rats stressés in utero. Enfin, en évaluant la consommation de rates femelles stressés in utero, nous avons observé une interaction entre le stress prénatal et les conditions d’élevage. Ainsi, les rates adolescentes stressées présentaient une préférence pour l’éthanol plus élevée que les témoins lorsqu’elles étaient élevées à deux par cage. Cependant, l’isolation sociale lors de l’adolescence augmentait fortement la préférence pour l’éthanol chez les rates témoins mais n’avait pas d’impact chez les femelles soumises au stress prénatal.
L’ensemble de ces résultats indique que le stress in utero, en interaction avec d’autres facteurs expérimentaux, modifie durablement chez le rat la sensibilité aux effets produits par l’éthanol, ainsi que la propension à consommer cette substance. Nos données complètent les travaux antérieurs démontrant qu’une exposition à un stress prénatal augmente la vulnérabilité à certaines substances d’abus (i. e. psychostimulants et opiacés). De surcroît, elles soulignent l’importance de prendre en compte l’histoire de l’individu, même très précoce, pour appréhender la genèse des conduites addictives.
Mots clefs :Alcool, axe corticotrope, mémoire, stress oxydatif, hippocampe, mGluR, hybridation in situ, dépendance
Présentée le 4 février 2008
Laboratoire où a été préparée la thèse :
Stress perinatal / Toxicologie Analytique, Bâtiment SN4.1, 59655 Villeneuve d’ASCQ Cedex
Nom du directeur de thèse: Dr Muriel Darnaudéry et Pr Michel Lhermitte