Lutter contre l’obésité en ciblant la néoglucogenèse intestinale : le rôle des acides amines
Résumé
Objectif : La néoglucogenèse intestinale (NGI) est une fonction bénéfique clé dans le maintien de l’homéostasie énergétique. Son activation est essentielle dans l’obtention des effets bénéfiques des régimes riches en protéines ou en fibres. Récemment, la création d’un modèle génétique d’activation de la NGI a apporté la preuve de concept que la NGI, per se, pourrait représenter une cible thérapeutique intéressante contre l’obésité et ses complications. A cette fin, il est maintenant crucial d’identifier les molécules capables d’activer la NGI et ses effets bénéfiques. Alors que, d’une part, les acides aminés sont des produits de dégradation des protéines connus pour activer la NGI, et que, d’autre part, certains d’entre eux forment du glucose, nous avons émis l’hypothèse selon laquelle certains acides aminés pourraient contrer l’obésité en activant la NGI. Méthodes : Nous avons recherché des acides aminés capables d’activer la NGI en augmentant le niveau d’expression des gènes et des protéines régulatrices, ou de l’activité enzymatique de la glucose-6-phosphatase, ou en tant que précurseurs du glucose. Nous avons d’abord effectué un criblage in vitro de plusieurs acides aminés. Pour cela, nous avons utilisé deux modèles cellulaires Caco-2 modifiés permettant d’évaluer l’effet direct des acides aminés sur la NGI au niveau transcriptionnel, au niveau de l’activité enzymatique et au niveau de la production de glucose. Ensuite, certains acides aminés, dont la glutamine, la leucine, l’acide aspartique et l’histidine, ont été ajoutés comme suppléments dans un régime riche en graisses et en sucres (HF-HS), afin de déterminer s’ils sont capables d’activer la NGI et ses effets bénéfiques in vivo. L’importance de l’activation de la NGI dans les effets observés a ensuite été vérifiée chez des souris déficientes en NGI. Résultats : Nos résultats ont montré que les 10 acides aminés testés sont capables d’activer la NGI in vitro à différents niveaux. En effet, chaque acide aminé est capable d’activer soit l’expression du gène G6pc1, soit l’activité enzymatique de la glucose-6-phosphatase, soit la production de glucose. Des études in vivo chez des souris témoins ont montré que l’apport de glutamine, de leucine ou d’histidine dans le régime HF-HS, réduit la prise de poids et augmente l’expression des gènes de la NGI. Néanmoins, des études réalisées chez des souris déficientes en NGI (souris KOI) ont révélé que les effets de la glutamine et de la leucine sur la prise de poids ne dépendaient pas de la NGI. En effet, les mêmes effets ont été observés chez les souris déficientes en NGI. Cependant, l’effet protecteur de ces deux acides aminés sur le métabolisme lipidique du foie semble dépendre de la NGI. D’autre part, nous avons montré que la NGI joue un rôle causal dans l’effet préventif de l’histidine sur la prise de poids et dans la protection contre l’accumulation ectopique de lipides dans le foie lors d’une alimentation hypercalorique. En revanche, l’acide aspartique a montré de manière inattendue des effets délétères, notamment une augmentation de la prise alimentaire et du poids, sans modification de la NGI chez la souris. Conclusion : La glutamine, la leucine et l’histidine activent la NGI in vitro et in vivo, et présentent des effets bénéfiques chez les souris témoins. Cependant, tous les effets observés ne semblent pas dépendre de la NGI. Ainsi, dans nos conditions expérimentales, seule l’histidine semble être capable d’activer la NGI et ses effets bénéfiques in vivo. Nos résultats concordent avec le concept selon lequel les produits de la digestion des protéines exercent plusieurs effets bénéfiques sur l’homéostasie énergétique, certains d’entre eux étant dépendants de la NGI, ce qui pourrait se combiner avec les effets des peptides (Duraffourd et al, Cell 2012) pour expliquer les bénéfices métaboliques des protéines alimentaires.
Abstract
Objective: Intestinal gluconeogenesis (IGN) is a key beneficial function in the maintenance of energy homeostasis. Its activation is essential for achieving the beneficial effects of diets rich in protein or fiber. Recently, the creation of a genetic model of activation of IGN has provided the proof of concept that IGN, per se, could represent an interesting therapeutic target against obesity and its complications. For this purpose, it is now crucial to identify molecules capable of activating IGN and its beneficial effects. Whereas, on the one hand, amino acids are products of protein assimilation that is known to activate IGN, and on the other hand, some of them are glucose forming, we hypothesized that certain amino acids may counteract obesity by activating IGN. Methods: We searched for amino acids capable of activating IGN as activators of gene and protein expression, or of glucose-6-phosphatase enzymatic activity, or as precursors of glucose. We first performed an in vitro screening of several amino acids. For this, we used two modified Caco-2 cell models allowing us to evaluate the direct effect of amino acids on IGN at the transcriptional level, at the enzymatic activity level and at the level of glucose production. Next, certain amino acids, including glutamine, leucine, aspartic acid, and histidine, were added as supplements in a high-fat, high-sucrose diet (HF-HS), to determine whether they are able to activate IGN and its beneficial effects in vivo. The importance of IGN activation in the effects observed was then verified in IGN-deficient mice. Results: Our results showed that the 10 amino acids tested are able to activate IGN in vitro at different levels. Indeed, each amino acid is able to activate either the expression of the G6pc1 gene, the enzymatic activity of glucose-6-phosphatase, or the production of glucose. In vivo studies in control mice have shown that the intake of glutamine, leucine, or histidine in the HF-HS diet, reduces body weight gain and increases IGN gene expression. Nevertheless, studies carried out in IGN-deficient mice (KOI mice) revealed that the effects of glutamine and leucine on body weight gain were not dependent on IGN. Indeed, the same effects were observed in IGN-deficient mice. However, the protective effect of these two amino acids on lipid metabolism appears to be dependent on IGN. On the other hand, we showed that IGN plays a causal role in the preventing effect of histidine on body weight gain and in the protection from ectopic lipid accumulation in the liver under hypercaloric diet. In contrast, aspartic acid unexpectedly showed deleterious effects, including increased food intake and body weight, without modification of IGN in mice. Conclusion: Glutamine, leucine, and histidine activate IGN in vitro and in vivo, and exhibit beneficial effects in WT mice. However, not all of the observed effects appear to be dependent on IGN. Under our experimental conditions, only histidine appears to be able to activate IGN and its beneficial effects in vivo. Our results concur to the concept that the products of protein digestion exert several beneficial effects in energy homeostasis, some of them being dependent of IGN, which may combine with the effects of peptides (Duraffourd et al, Cell 2012) to account for the metabolic benefits of dietary protein.
Présentée le 14 décembre 2022
Laboratoire où a été préparée la thèse : Nutrition et cCerveau, Université Claude Bernard, Lyon..
Sous la direction de Gilles Mithieux