Étude des mécanismes moléculaires impliqués dans la différenciation des cellules sympatho-surrenaliennes: effet du neuropeptide PACAP sur le transcriptome des cellules de phéochromocytome
Les neurones sympathiques et les cellules chromaffines médullosurrénaliennes dérivent d’un même précurseur sympatho-surrénalien issu de la crête neurale. Les cellules de ce lignage représentent donc un bon modèle pour l’étude des processus de différenciation neuronale et neuroendocrine. Il a été montré que le neuropeptide pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide (PACAP) et son récepteur PAC1 sont exprimés précocement au cours du développement sympatho-surrénalien et que le PACAP peut promouvoir la survie et la différenciation des neuroblastes sympathiques. Le PACAP, qui est un puissant régulateur de l’activité des neurones sympathiques et des cellules chromaffines, est capable d’induire une croissance neuritique dans les cellules PC12 dérivées d’un phéochromocytome de rat, une tumeur qui se développe au dépens des cellules chromaffines, principalement au niveau de la médullosurrénale. L’objectif de cette thèse était d’étudier les mécanismes moléculaires régulés par le PACAP dans les cellules PC12, afin de mieux comprendre le rôle de ce neuropeptide dans la différenciation des cellules sympatho-surrénaliennes saines et tumorales.
Nous avons tout d’abord comparé les effets du PACAP à ceux du nerve growth factor (NGF), un facteur de croissance également capable d’induire une différenciation des cellules PC12, qui joue un rôle important dans le développement des neurones sympathiques. Nous avons ainsi montré que la croissance neuritique provoquée par le PACAP et le NGF dans ces cellules est accompagnée par l’acquisition d’une excitabilité électrique. En revanche, nos résultats ont révélé que le PACAP et le NGF régulent de façon distincte l’expression de facteurs de transcription qui participent au développement du lignage sympatho-surrénalien comme Phox2b, ainsi que l’expression de gènes marqueurs neuronaux et neuroendocrines impliqués dans la maturation du système de sécrétion dans ces cellules, tels que les transporteurs vésiculaires des monoamines et de l’acétylcholine, et les chromogranines. Nous avons aussi montré que le PACAP et le NGF augmentent la capacité de liaison des séquences consensus TPA-responsive element et cAMP-responsive element à des facteurs de transcription des cellules PC12, et que le neuropeptide recrute de préférence des protéines de type activator protein-1. L’ensemble de ces observations indique que le PACAP et le NGF induisent des effets communs mais aussi des effets différents dans les cellules PC12, suggérant que ces deux facteurs exercent des rôles distincts mais probablement complémentaires au cours de la différenciation des cellules sympatho-surrénaliennes.
Afin d’obtenir une vue globale des processus moléculaires contrôlés par le PACAP au cours de la différenciation des cellules sympatho-surrénaliennes, nous avons décidé, dans la deuxième partie de cette thèse, d’étudier les transcriptomes des cellules PC12, des cellules PC12 différenciées par le PACAP ainsi que des cellules médullosurrénaliennes matures, grâce aux techniques complémentaires de microarray et de suppression par hybridation soustractive. Cette analyse a révélé que la majorité des gènes différentiellement exprimés dans ces trois modèles cellulaires est impliquée dans la prolifération/différenciation tels que différents membres du complexe mini chromosome maintenance deficient et le facteur de transcription Smad1. De plus, une grande proportion des gènes identifiés participe à la survie cellulaire, e.g. péroxirédoxine 5 et Bcl2-associated athanogene 3, et aux processus de motilité et d’adhésion cellulaires, e.g. embigine et ostéonectine. Nos résultats ont également révélé la possibilité d’interactions entre les mécanismes régulés par le PACAP et ceux contrôlés par des facteurs associés à la croissance cellulaire tels que les cytokines de la famille du transforming growth factor-ß ou l’oncosuppresseur p53.
Une fraction importante des messagers identifiés au cours de cette étude codent des protéines dont l’activité biologique n’est pas connue. La dernière partie de ces travaux de thèse a donc été consacrée à l’étude fonctionnelle d’un de ces gènes, la sélénoprotéine T (SelT), dont l’expression est stimulée par le PACAP dans les cellules PC12 mais dont la fonction était totalement inconnue. La SelT appartient à la famille des sélénoprotéines qui se caractérisent par la présence dans leur séquence d’un ou plusieurs résidus sélénocystéine. Nous avons montré que l’ARNm de la SelT est exprimé dans différents tissus de rat et que son taux est augmenté par le PACAP dans les cellules PC12 via un mécanisme dépendant des protéines kinases A et p38, ainsi que des seconds messagers monoxyde d’azote et calcium. L’analyse de la localisation subcellulaire de la SelT dans les cellules PC12 a révélé que cette protéine est exprimée dans l’appareil de Golgi et le réticulum endoplasmique, mais pas dans les grains de sécrétion. Afin de déterminer le rôle de la SelT au cours de la différenciation cellulaire induite par le PACAP, nous avons analysé les effets de sa surexpression ou de son inhibition par ARN interférence dans les cellules PC12. Nous avons ainsi pu montrer que l’expression accrue de cette protéine provoque une augmentation de la concentration calcique intracellulaire ([Ca2+]i) dans ces cellules. Une stimulation de la [Ca2+]i est également observée lors de la différenciation des cellules PC12 par le PACAP et cet effet est aboli après inhibition de l’expression de la SelT par ARN interférence, indiquant que cette sélénoprotéine joue un rôle crucial dans l’élévation de la [Ca2+]i induite par le PACAP dans les cellules de phéochromocytome.
En conclusion, ce travail de thèse a permis d’obtenir une vue globale des mécanismes complexes qui sous-tendent la différenciation des cellules de phéochromocytome par le PACAP. Ces données ouvrent de multiples voies de recherche sur le processus de différenciation cellulaire, qui pourront être poursuivies dans notre laboratoire. Ces résultats ont d’ores et déjà rendu possible l’identification de la fonction d’un nouveau gène régulé par le PACAP dans les cellules PC12 et ont permis de montrer, pour la première fois, l’implication d’une sélénoprotéine dans la régulation de la [Ca2+]i.
Mots-clés : non communiqué
Présentée le 5 juillet 2004
Laboratoire où a été préparée la Thèse:
Laboratoire de Neuroendocrinologie Cellulaire et Moléculaire – IFRMP 23, INSERM U413 – Université de Rouen – 76821 Mont-Saint-Aignan
Nom du Directeur de Thèse: Dr Youssef Anouar
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Summary :
Sympathetic neurons and chromaffin cells derive from a common sympathoadrenal precursor which arise from the neural crest. Cells from this lineage represent a useful model to study the mechanisms involved in neuronal and neuroendocrine differentiation. It has been shown that the neuropeptide pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide (PACAP) and its PAC1 receptor are expressed at early stages of sympathetic neuronal development, and participate to neuroblast proliferation and differentiation. PACAP, which is a potent regulator of the activity of sympathetic neurons and chromaffin cells, induces neurite outgrowth in PC12 cells derived from rat pheochromocytoma, a chromaffin cell tumor that mainly occurs in the adrenal medulla. The aim of the present study was to determine the molecular mechanisms regulated by PACAP in PC12 cells, in order to gain insight into the role of this neuropeptide in normal and tumoral sympatho-adrenal cell differentiation.
We first compared the effects of PACAP to those of nerve growth factor (NGF), a growth factor that also promotes the differentiation of PC12 cells and that contributes to sympathetic neuronal development. We showed that the neurite outgrowth elicited by both PACAP and NGF in PC12 cells was accompanied by the acquisition of electrical excitability. However, our data revealed that these two trophic factors differentially regulate the expression of some genes involved in the maturation of the secretory machinery that are considered as neuronal and neuroendocrine markers in this lineage, such as the vesicular monoamine and acetylcholine transporters, and chromogranins. PACAP and NGF also exerted distinct effects on the expression of transcription factors that control sympathoadrenal development, including the noradrenergic-determining protein Phox2b. Moreover, we found that, while both PACAP and NGF increased the binding activity of the TPA-responsive element and the cAMP-responsive element to PC12 cell nuclear extracts, PACAP preferentially recruited activator protein-1-like transcription factors. Taken together, these data show that PACAP and NGF exert common as well as different effects on PC12 cells, indicating that these two factors could play distinct but probably complementary roles in sympatho-adrenal cell differentiation.
To get an overall view of the molecular mechanisms controlled by PACAP in this cell lineage, we analyzed the gene expression profiles of PC12 cells, PACAP-differentiated PC12 cells and mature adrenochromaffin cells, using the complementary techniques of microarray and suppression subtractive hybridization. This study revealed that a vast majority of the genes differentially expressed in these three cell models is involved in cell proliferation and differentiation, such as several members of the mini chromosome maintenance deficient complex and the transcription factor Smad1. Moreover, a large proportion of the identified genes is associated with cell survival, e.g. peroxiredoxin 5 and Bcl2-associated athanogene 3, and with the processes of cell motility and adhesion, e.g. embigin and osteonectin. These transcriptome analyses also revealed the existence of possible interactions between the molecular mechanisms regulated by PACAP and those controlled by factors associated with cell growth such as cytokines of the transforming growth factor-ß family and the tumor suppressor p53.
An important group of the transcripts identified during this study corresponded to proteins whose biological activity is not defined. The last part of this thesis work was thus devoted to the characterization of one of these genes, i.e. selenoprotein T (SelT), whose expression is stimulated by PACAP in PC12 cells and whose function is completely unknown. SelT belongs to the family of selenoproteins which are characterized by the occurrence of one or several selenocysteine residues in their sequence. We found that SelT mRNA is present in different rat tissues and that its up-regulation by PACAP in PC12 cells depends on protein kinases A and p38, as well as the second messengers nitric oxide and calcium. Analysis of the subcellular localization of SelT in PC12 cells revealed that this protein is expressed in the Golgi apparatus and the endoplasmic reticulum, but not in the secretory granules. To determine the role of SelT during cell differentiation induced by PACAP, we studied the effects of its overexpression or inhibition by RNA interference in PC12 cells. We found that enhanced SelT expression provokes an increase in cytosolic calcium concentration ([Ca2+]i) in these cells. Stimulation of [Ca2+]i was also observed during PC12 cell differentiation induced by PACAP and this effect was abolished after SelT down-regulation by RNA interference, suggesting that this selenoprotein exerts a crucial role in the elevation of [Ca2+]i triggered by PACAP in pheochromocytoma cells.
In conclusion, the work described in this thesis provides a comprehensive view of the complex events that lead to the differentiation of pheochromocytoma cells induced by PACAP. Our data open new research directions to understand the mechanisms involved in sympathoadrenal cell differentiation that will be developed in our laboratory. Our results have already allowed us to identify the function of a new gene regulated by PACAP in PC12 cells and to uncover, for the first time, the involvement of a selenoprotein in the control of [Ca2+]i.