La ghreline est un nouveau peptide récemment isolé à partir d’estomac de rat (Kojima et al., 1999) en tant que ligand endogène du récepteur des GH sécrétagogues (GHS-R) et serait par conséquent un bon candidat pour mimer ou amplifier la sécrétion endogène d’hormone de croissance (GH). Le GHS-R est exprimé au niveau de l’hypophyse et du noyau arqué hypothalamique sur les neurones à GHRH et SRIH impliqués dans la régulation de la sécrétion de GH. Il est également présent dans de nombreuses régions du système nerveux central, notamment sur les neurones à NPY/AgRP de l’hypothalamus et dans des structures comme le raphé. Une telle distribution laisse penser que la ghreline pourrait jouer un rôle dans la régulation de la prise alimentaire et des rythmes veille/sommeil.
Dans cette thèse, nous nous sommes intéressés à l’implication de la ghreline dans ces trois fonctions : la sécrétion de GH, la prise alimentaire et le sommeil.
Les expériences réalisées in vitro sur des hypophyses ou des hypothalamus en périfusion et in vivo chez le rat mâle vigile nous ont permis de démontrer que la ghreline, uniquement lorsqu’elle est octanoylée, stimule la sécrétion de GH directement au niveau hypophysaire et indirectement au niveau hypothalamique où elle agit en partie via une inhibition de la libération de somatostatine. L’effet d’administrations de cette hormone en période diurne ou nocturne sur la prise alimentaire et le rythme veille/sommeil a en outre été recherché, ces fonctions étant étroitement associées au rythme jour/nuit. Quelque soit l’heure d’injection, le peptide exogène stimule non seulement la sécrétion de GH mais modifie également la prise alimentaire et le rythme veille/sommeil, indépendamment de la sécrétion de GH. Il induit le comportement alimentaire et augmente la durée des repas déjà initiés, soulignant son implication dans la régulation de la prise alimentaire. De plus, une augmentation rapide de l’éveil, sans doute relayée par l’action orexigène de la ghreline, et une diminution à plus long-terme du sommeil paradoxal sont également observées. Afin de corréler la sécrétion endogène de l’hormone avec ces différentes fonctions, ses concentrations plasmatiques ont été mesurées au long du nycthémère chez le rat. La ghreline est sécrétée de façon pulsatile et cette sécrétion est mieux corrélée à la prise alimentaire qu’à la sécrétion de GH ou aux états de vigilance. De plus, les concentrations plasmatiques de ghreline diminuent de 26% dans les 20 minutes qui suivent la prise alimentaire.
Etant donnée la relation étroite entre ghreline et prise alimentaire, nous avons recherché si la ghreline était sensible à des modifications aiguës ou chroniques de l’état nutritionnel. Chez le rat mâle ou femelle, le jeûne à court-terme entraîne une augmentation des taux plasmatiques de ghreline tandis que la renutrition normalise ces valeurs. Une étude clinique réalisée chez des patientes anorexiques et des jeunes femmes avec un BMI équivalent mais ne présentant pas de trouble du comportement alimentaire (maigreur constitutionnelle) nous a permis de montrer que la ghreline est directement influencée par l’état nutritionnel et n’est pas seulement dépendante de la masse grasse. En effet, chez les anorexiques, la ghreline est augmentée et retourne à des valeurs contrôles après renutrition. Malgré un BMI équivalent, les maigreurs constitutionnelles présentent des taux intermédiaires. L’étroite corrélation entre ghreline plasmatique et T3, marqueur nutritionnel, confirme ces données.
En conclusion, la ghreline, nouveau peptide gastrointestinal, découvert en tant qu’agent capable de stimuler la sécrétion de GH, est maintenant impliqué dans la régulation de la prise alimentaire. La localisation étendue de son récepteur, le GHS-R, au niveau du système nerveux central dans l’hippocampe et en périphérie au niveau cardiaque laisse supposer des rôles physiologiques encore plus diversifiés.
Mots-clés : Ghreline, Hormone de croissance (GH), récepteur des GH sécrétagogues (GHS-R), Prise alimentaire, Sommeil, Anorexie
Présentée le 19 décembre 2002
Laboratoire où a été préparée la thèse:
UMR 549 INSERM-Faculté de Médecine, Université Paris-René Descartes, Paris.
Nom du Directeur de thèse : Dr Marie Thérèse Bluet-Pajot co-direction Dr Jacques Epelbaum