Résumé
Le traitement de l’obésité a d’abord été une illusion. Cependant, les recherches récentes dans la régulation de l’appétit ont révélé ce qui pouvait jouer un facteur important dans le contrôle de l’appétit et dans la régulation du poids corporel. L’amélioration de l’obésité qui pourrait avoir un impact social important, pourrait aussi sauver des vies. Elle conduirait à réduire le diabète, les maladies cardio-vasculaires et de nombreuses formes de cancers, toutes pathologies qui sont augmentées en cas d’obésité.
La prévalence de l’obésité augmente. Ceci a entraîné l’augmentation de la recherche dans ce domaine. Dans certains cas, les thérapies comportementales et les régimes peuvent être efficaces, mais chez la majorité des obèses, ces stratégies ont peu d’impact. Actuellement, le rôle des neuropeptides dans la régulation de l’appétit est un champ de recherche en pleine expansion. Différents peptides sont identifiés comme contrôlant la prise alimentaire. Certains comme le neuropeptide Y, la galanine et les orexines stimulent la prise alimentaire. D’autres, comme par exemple le glucagon-like peptide -1 (7-36)-amide, le CART (cocaine-amphetamine-regulated transcript) et la leptine diminuent la prise alimentaire. Cette revue sera centrée sur la leptine, une hormone qui peut rendre le mot ” gros ” presque superflu.
La leptine, produit du gène ob, fait partie d’une famille d’hormones peptidiques, les cytokines et est produite et sécrétée par les adipocytes. Son injection dans le cerveau ou dans la circulation sanguine des rongeurs entraîne une réduction de la prise alimentaire et du poids corporel, les effets étant d’autant plus amples que les doses sont plus élevées. Différents types de récepteurs sont actuellement identifiés comme liant la leptine et lui permettant d’exercer ses effets. Ces récepteurs ont été trouvés dans de nombreux tissus, et dans le cerveau.
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Chez l’homme comme chez les rongeurs, le niveau de leptine produite est proportionnel à la masse adipeuse
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Les études d’hybridation in situ ont révélé la présence de récepteurs de la leptine dans le cerveau des rongeurs. La forme longue de ce récepteur (Ob-Rb) est trouvée en grande quantité dans l’hypothalamus, une région du cerveau importante dans le contrôle de la prise alimentaire. Ob-Rb a une ” queue ” intracellulaire complète et induit le signal de transduction. La forme courte (Ob-Ra) est également trouvée dans le cerveau où elle pourrait faciliter le transfert de la leptine de la périphérie vers le tissu nerveux. On est en droit de penser que cette forme peut également induire le signal de transduction. Ob-Ra est coexprimé avec Ob-Rb dans l’hypothalamus où les deux formes de récepteurs coopèrent dans l’induction des effets de la leptine sur la prise alimentaire.
Chez l’homme comme chez les rongeurs, le niveau de leptine produite est proportionnel à la masse adipeuse. La quantité produite par adipocyte est d’autant plus élevée que l’adiposité est importante. Cette élévation de la leptine pourrait in fine réduire la quantité de nourriture ingérée par une personne obèse. En réalité, les obèses ont une réponse moindre à la leptine et montrent une résistance à ses effets.
Les études chez l’animal ont révélé le rôle important de la leptine dans le contrôle de la prise alimentaire et dans la régulation du poids corporel. Des souris portant une mutation du gène diabetes, les souris db/db, ont une forme tronquée du récepteur de la leptine. Bien qu’elles aient un taux circulant élevé de leptine, elles n’y sont pas sensibles. Leur phénotype obèse ressemble à celui des souris obèses ob/ob qui portent un récepteur fonctionnel de la leptine mais qui ne produisent pas de leptine. Le rat gras fa/fa est porteur d’un gène modifié du récepteur fatty. Il a un récepteur de la leptine dont la fonction de signalisation est fortement diminuée. Il répond à l’injection de leptine mais à une dose plus élevée que celle efficace chez le rat maigre contrôle. Ces trois modèles génétiques de dysfonctionnement de la leptine sont obèses et significativement plus lourds que les contrôles.
Jusqu’à maintenant, on ne connaît pas l’importance de la leptine dans le contrôle du poids corporel chez l’homme. Des études publiées récemment chez les rongeurs montrent également son rôle critique dans l’établissement de la puberté et la fonction de reproduction. Un individu souffrant d’un déficit de production de leptine ou de son récepteur, ou d’une obésité morbide, ne peut atteindre une maturité pubertaire normale. Il est possible que le rôle de la leptine dans la maturité pubertaire et la reproduction soit encore plus important chez l’homme. Ceci doit être élucidé.
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C’est la première démonstration de l’existence d’un défaut de récepteur de la leptine chez l’homme.
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Deux jeunes cousins qui sont encore en période pré-pubertaires, viennent d’être montrés comme dépourvus de leptine et souffrant d’une obésité sévère précoce. Une mutation du gène de la leptine a été identifiée dans une famille turque. Cette mutation entraîne chez les membres de cette famille un taux bas de leptine et une forte obésité. Deux membres de cette famille sont adultes ; un homme de 22ans qui n’a pas montré de puberté et une femme de 32 ans qui n’a jamais été réglée. Plus récemment encore, un papier publié dans ” Nature ” décrit une mutation du gène du récepteur de la leptine chez l’homme. Cette mutation entraîne la disparition des fonctions de signalisation de toutes les formes du récepteur. Les trois sœurs affectées par cette mutation, et appartenant à un grande famille, souffrent d’une obésité morbide et n’ont pas de maturité sexuelle. C’est la première démonstration de l’existence d’un défaut de récepteur de la leptine chez l’homme.
La recherche sur l’obésité et la régulation de l’appétit est à un carrefour critique. Le challenge est de prendre les données récentes les plus pertinentes et de les transférer dans la prise en charge de l’évolution épidémiologique de l’obésité humaine. Avec la découverte continue d’hormones impliquées dans la régulation du poids corporel, le champ d’application se diversifie et s’étend rapidement. Les résultats de cette recherche pourraient aboutir à l’amélioration de la qualité de vie de millions d’individus. Seul l’avenir nous le dira.
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Traduction :
Arlette Burlet, Systèmes Neuromodulateurs des Comportements Ingestifs, Université Henri Poincaré, Nancy
Cette brève est produite par la British Society for Neuroendocrinology et peut être utilisée librement pour l’enseignement de la neuroendocrinologie et la communication vers le public.
©British Society for Neuroendocrinology et Société de Neuroendocrinologie pour la traduction.