Résumé
Bien que de la taille d’un petit pois, l’hypophyse humaine a une influence immense sur l’homéostasie, grâce à la sécrétion d’hormones qui régulent des processus essentiels tels que la croissance ou le stress. Les récentes avancées en imagerie et en génétique ont permis d’étudier en détails la structure fine et le fonctionnement de l’hypophyse, et de révéler l’organisation particulière de ses cellules en réseaux ainsi que la grande plasticité dont ces réseaux sont capables.
L’axe hypothalamo-hypophysaire régule le fonctionnement de tissus périphériques via la libération pulsatile d’hormones, et des perturbations des rythmes de pulsatilité ou des quantités d’hormone secrétée conduisent à un hypopituitarisme (déficience hormonale). L’activité de l’hypophyse antérieure a longtemps été perçue comme étant régulée par des signaux issus du cerveau. Ainsi, les propriétés intrinsèques de la glande ont reçu peu d’attention. Récemment, cependant, l’émergence de techniques d’imagerie à haute résolution a permis une nouvelle vision des relations entre structure et fonction. Les résultats obtenus ont profondément modifié notre perception de l’hypophyse, et nous la considérons maintenant comme un tissu complexe jouant un rôle majeur dans l’orchestration des dynamiques hormonales. L’hypophyse peut donc être atteinte par des lésions responsables de pathologies concernant la croissance, le métabolisme, le stress, la fertilité, ou la lactation.
L’hypophyse est un oscillateur
Le dogme veut que l’hypothalamus intègre les signaux extérieurs, tels que le niveau de stress, avant de commander les sécrétions d’une hypophyse “esclave”. Cette vision n’a été remise en cause qu’au début du siècle lorsque la combinaison de l’imagerie, de la génétique animale et de l’analyse mathématique a révélé que la plupart des types cellulaires hypophysaires sont organisés en trois dimensions et forment des populations plastiques, avec une capacité remarquable de modularité et de robustesse, des pré-requis pour figurer parmi les réseaux biologiques (Figure 1). Ainsi : 1) les cellules corticotropes (importantes dans la réponse au stress) forment un échafaudage qui pourrait participer à la libération quotidienne de l’hormone du stress; 2) les cellules somatotropes (importantes au cours de la croissance et du développement) amplifient ensemble des signaux d’entrée pour encoder un profil hormonal responsable de certaines différences sexuelles; 3) les cellules lactotropes (importantes pour la lactation) constituent des ensembles interconnectés capables d’améliorer leur activité au fur et à mesure des lactations; 4) des cellules non-endocrines forment une voie essentielle pour la propagation des signaux entre des régions hypophysaires distantes; et 5) les cellules progénitrices, capables de produire tous les types cellulaires de l’hypophyse, forment un réseau qui pourrait abriter des foyers de cellules souches. En conséquence, une vision actualisée de l’axe hypothalamo-hypophysaire inclut désormais un modèle à deux oscillateurs dans lequel l’hypophyse elle-même peut répondre de façon dynamique à différents stimuli afin d’influer sur les sécrétions hormonales et l’homéostasie.
Figure 1 : Représentation en 3D des réseaux composés de cellules lactotrophes (rouge), de cellules folliculostellaires (bleu) et de vaisseau sanguins (vert) qui régulent et adaptent les secrétions hormonales de l’hypophyse des mammifères. Les interactions entre ces réseaux et leur microenvironnement vasculaire constitueraient un niveau supplémentaire de régulations morphologiques et fonctionnelles.
Le microenvironnement
Les réseaux de cellules endocrines sont étroitement associés avec les capillaires sanguins, extrêmement ramifiés, suggérant une relation fonctionnelle dans l’hypophyse entre sortie hormonale et microcirculation. Les approches récentes d’imagerie ont été utilisées afin d’étudier cette relation à la surface ventrale de l’hypophyse exposée par voie chirurgicale. Ces études ont démontré que la vascularisation hypophysaire subvient non seulement aux besoins énergétiques associés aux réseaux endocrines, mais représente aussi une étape limitante pour la sécrétion des hormones, participant ainsi à la formation du pulse hormonal. Ainsi, le microenvironnement hypophysaire constitue une unité fonctionnelle avec les réseaux endocrines, dont les altérations pourraient aggraver les désordres hormonaux.
Compréhension actuelle du fonctionnement hypophysaire
Notre connaissance du lien entre organisation tissulaire et fonction hypophysaire demeure parcellaire. Tout d’abord : est-ce que des réseaux endocrines similaires existent chez les mammifères supérieurs, y compris chez l’Homme? Pourrions-nous améliorer le fonctionnement d’une hypophyse déficiente (hypopituitarisme)? Serions-nous capables de moduler l’activité, en vue de maintenir une sécrétion hormonale, malgré des signaux afférents défectueux? Serait-il possible de reconstruire des réseaux fonctionnels? Réciproquement, pourrions-nous empêcher l’émergence de structures non-désirées (par exemple des tumeurs hypersécrétantes)? Une meilleure compréhension de l’architecture et du fonctionnement hypophysaires permettra peut-être d’ajuster les niveaux hormonaux en réparant l’hypophyse humaine in situ. Cet objectif apparait d’autant plus pertinent que l’hypophyse est le premier organe hétérogène à avoir été récemment reproduit dans une boite de culture.
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…l’hypophyse est capable de plasticité à court et long terme en réponse à un ensemble de stimuli.
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La route est encore longue
Les 20 dernières années ont connu des innovations rapides dans le domaine de la microscopie et de la transgénèse animale. La force de ces outils appliquée à l’imagerie des glandes endocrines in situ et in vivo continue de révéler de nouvelles facettes des régulations structurales et fonctionnelles de l’hypophyse. En effet, il est devenu évident que l’hypophyse est un organe complexe qui, à l’image des tissus neuronaux, est capable de plasticité à court et long terme en réponse à un ensemble de stimuli. Des lésions qui toucheraient l’activité en réseau pourraient donc vraisemblablement altérer la sécrétion en réduisant la puissance de l’oscillateur hypophysaire. Les recherches futures devront porter une attention particulière aux interactions qui harmonisent les rythmes de l’hypothalamus et de l’hypophyse, au rôle du microenvironnement hypophysaire dans le contrôle de la libération d’hormone, et à l’impact des dysfonctionnements des réseaux cellulaires dans les désordres hypophysaires.
Traduction :
Xavier Bonnefont, Institut de Génomique Fonctionnelle,Université de Montpellier, Montpellier, France
Cette brève est produite par la British Society for Neuroendocrinology et peut être utilisée librement pour l’enseignement de la neuroendocrinologie et la communication vers le public.
©British Society for Neuroendocrinology
et Société de Neuroendocrinologie pour la traduction.