Résumé
L’abus de stéroïdes anabolisants-androgéniques (SAA) est largement répandu, mais les risques potentiels de dépendance et d’accoutumance restent mal connus. Des études récentes de notre laboratoire ont montré que des hamsters mâles et femelles s’auto-administrent de la testostérone et d’autres SAA. De plus, nous avons observé des surdosages mortels au cours des auto-administrations. Ceci suggère que les SAA peuvent créer une dépendance, indépendamment de leurs effets sur la masse musculaire ou la performance athlétique.
Un engouement pour les stéroïdes
Les stéroïdes anabolisants-androgéniques (SAA) sont des substances addictives. En dépit de l’interdiction d’utiliser des stéroïdes, des athlètes olympiques, des cyclistes professionnels, des joueurs américains de base-ball et même des chevaux de course ont été testés positifs pour des SAA. Cependant, les SAA ne sont plus le domaine exclusif des athlètes d’élite. Aux Etats-Unis, parmi les élèves de terminale (âgés de 18 ans), l’incidence de l’usage de stéroïdes (4%) est comparable à celle du “crack”, un dérivé de la cocaïne (3.6%) ou de l’héroïne (1.8 %). Actuellement, on estime qu’environ 3 millions de personnes pourraient avoir utilisé des SAA.
Les utilisateurs de SAA prennent des stéroïdes pour leurs effets anabolisants, en particulier pour accroître la masse des muscles longs, ce qui permet d’améliorer les performances athlétiques. Cependant, les SAA ont également des actions androgéniques semblables à la testostérone, et ils stimulent les caractères sexuels secondaires mâles. Les utilisateurs de SAA essayent de maximiser les actions anabolisantes, tout en réduisant au minimum les effets secondaires des androgènes. Cependant, il n’existe aucun stéroïde purement anabolisant. Les SAA sont des dérivés de la testostérone, et tous exercent une combinaison d’actions anabolisantes et androgéniques.
Les stéroïdes à l’esprit
Les SAA affectent également le cerveau et le comportement. Les neurones dans le cerveau ont des récepteurs aux androgènes, qui lient la testostérone et d’autres androgènes. Chez les animaux, la testostérone stimule des comportements sociaux, y compris les comportements reproducteurs et agressifs. Chez l’homme, une agressivité excessive résultant de l’utilisation de stéroïdes a été largement reconnue dans la presse populaire. Elle a été baptisée par les médias anglo-saxons ‘roid rages, ce qui peut se traduire par “rages aux stéroïdes” (68.000 résultats sur Google, 11/2005). Des rapports anecdotiques suggèrent que les SAA pourraient aussi augmenter le désir sexuel. L’abus des SAA a été également associé à des effets comportementaux et psychiatriques négatifs, tels que l’euphorie, la dépression, l’anxiété, la paranoïa et des comportements violents. En fait, les troubles majeurs de l’humeur liés aux SAA apparaissent souvent pendant le sevrage des SAA.
Si les SAA créent une dépendance et une accoutumance reste controversé. Il est clair qu’une grande partie de la motivation pour commencer à utiliser des stéroïdes résulte de leurs effets anaboliques sur les performances athlétiques et sur le physique. Chez l’homme, il est difficile de séparer les effets psychoactifs directs des SAA d’un renforcement dû aux effets anabolisants systémiques. En revanche, les études chez l’animal permettent d’évaluer les effets de renforcement des stéroïdes dans un contexte où la performance athlétique n’est pas pertinente.
Obtenu des “‘roids rage”? Périodes d’essai.
Dans notre laboratoire, les hamsters s’auto-administrent volontairement de la testostérone, et ces études suggèrent que les effets de renforcement des SAA pourraient être relayés par le cerveau. Par cette approche, nous avons montré que des hamsters mâles et femelles s’auto-administrent la testostérone à travers une large gamme de concentrations. Cependant, les femelles et les mâles castrés sont moins sensibles que les mâles en possession de leurs gonades à de faibles concentrations de testostérone, suggérant que les androgènes circulants provenant des gonades pourraient augmenter la réponse aux androgènes administrés. La testostérone n’est pas le seul stéroïde qui est auto-administré. Les hamsters mâles s’auto-administrent volontairement d’autres stéroïdes fortement androgéniques, comme la nandrolone, la dihydrotestostérone et la drostanolone, de même que des précurseurs des androgènes comme l’androstènedione. Cependant, les SAA faiblement androgéniques (oxymétholone et stanozolol) n’ont pas d’effets de renforcement. Dans l’ensemble, ces résultats indiquent que ce sont les SAA les plus androgéniques qui sont les plus renforçants.
Avec le temps, nous nous sommes rendus compte que quelques hamsters mourraient pendant l’auto-administration de la testostérone. La mort survenait souvent lorsque les animaux augmentaient brusquement leur consommation d’androgènes au cours d’un “excès” d’auto-administration. Les hamsters qui font des excès d’androgènes sont aphatiques, avec une diminution de la locomotion, de la température corporelle et de la respiration. Ces symptômes sont semblables à ceux observés lors d’une surdose d’opiacés (héroïne, morphine). Nous avons d’ailleurs montré que la naloxone, un antagoniste des opiacés, permet de bloquer l’auto-administration de la testostérone ainsi que les symptômes dépressifs liés à une overdose de testostérone. Ces données suggèrent qu’à des doses élevées, les SAA pourraient causer la mort à cause d’une interaction avec les systèmes opiacés endogènes du cerveau.
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“Est-ce que les stéroïdes anabolisants-androgéniques créent une dépendance ? Probablement. Est-ce qu’ils entraînent une dépendance aussi forte que celle à la cocaïne ou à l’héroïne ? Probablement pas.”
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Est-ce que la testostérone crée réellement une dépendance chez l’animal ? La dépendance est caractérisée par la perte du contrôle sur la consommation, et les sujets continuent à rechercher la drogue en dépit de ses effets négatifs. D’autres critères pour établir une dépendance incluent la tolérance, l’état de manque et le phénomène de sensibilisation. Jusqu’ici, nous avons observé une tolérance aux symptômes dépressifs causés par une overdose de testostérone, ainsi qu’un évitement conditionné des lieux associés à un sevrage des androgènes. Tolérance, état de manque et auto-administration jusqu’au point de causer la mort soulignent le potentiel des androgènes pour induire un état de dépendance.
Jusqu’à quel point sont-ils dangereux ?
Les utilisateurs nous ont à plusieurs reprises assuré que les SAA “ne créent pas une dépendance classique”, mais les études chez l’animal suggèrent maintenant qu’il en est autrement. Est-ce que les SAA créent une dépendance ? Probablement. Est-ce qu’ils entraînent une dépendance aussi forte que celle à la cocaïne ou à l’héroïne ? Probablement pas. Selon le Dr. Leslie Henderson de l’École de Médecine de Dartmouth, la plupart des personnes qui prennent des SAA ne restent pas cloîtrées dans un appartement à Seattle en écoutant de vieux disques du groupe Nirvana et ne font pas la manche 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Ils sont comme les personnes qui boivent de l’alcool, mais cette drogue est prise au sérieux”. En fait, la dépendance n’est pas un phénomène de “tout ou rien”. Beaucoup de gens peuvent boire, fumer et parier sur des chevaux de temps en temps sans développer une dépendance, et pourtant, nous reconnaissons le risque de dépendance à l’alcool, à la nicotine et aux jeux d’argent. Le potentiel de dépendance des SAA dépend assurément de leur utilisation : de la quantité, de la fréquence, du type de stéroïde ingéré, ainsi que du consommateur lui-même. Il se peut qu’une dépendance aux SAA ne se développe que chez des personnes susceptibles, comme on observe pour des drogues avec un faible potentiel de dépendance. Néanmoins, il est temps de cesser de prétendre que les effets des SAA s’arrêtent au cou.
Traduction :
Michael Schumacher, UMR 788 Inserm -Université Paris 11, Kremlin-Bicêtre, France
Cette brève est produite par la British Society for Neuroendocrinology et peut être utilisée librement pour l’enseignement de la neuroendocrinologie et la communication vers le public.
©British Society for Neuroendocrinology et Société de Neuroendocrinologie pour la traduction.