Résumé
L’hormone de croissance (GH : Growth Hormone), comme de nombreuses hormones, est sécrétée dans le sang de manière épisodique selon une fréquence contrôlée par le cerveau. Avec l’âge, l’amplitude de ce rythme diminue et, après 30 ans, ceci commence à influer sur le tonus musculaire et d’autres grandes fonctions physiologiques. Les connaissances acquises sur le fonctionnement des réseaux neuronaux qui contrôlent ces rythmes hormonaux permettent d’envisager de restaurer l’amplitude des rythmes de GH.
Une importance ” croissante “
Quand je suis au volant de ma voiture et décide de tourner, je mets en route l’indicateur de direction clignotant qui s’allume et qui s’éteint. Si ce signal était continu, le conducteur qui me suit ne recevrait pas le même message et pourrait l’interpréter d’une telle façon que mon véhicule en souffrirait …
Mon corps réagit aux hormones un peu de la même manière que le conducteur qui me suit réagit aux signaux clignotants. Le signal doit suivre un certain rythme pour qu’il soit signifiant.
Au moment, adéquat, il faut que les hormones soient sécrétées en bouffées. C’est particulièrement évident dans le cas de la GH. Cette hormone m’a permis d’atteindre mon mètre soixante douze vers l’âge de 15 ans et même après que j’ai terminé ma croissance, elle a continué pendant un certain temps à contribuer à ma croissance musculaire.
Maintenant, entre mes oreilles se trouve un super ordinateur qui peut répondre à des questions importantes comme par exemple ” comment puis-je éteindre l’alarme de ma montre digitale ? ” et une partie de ce superordinateur me sert pour grandir. Les tomates ont juste besoin d’engrais mais j’ai besoin de mon cerveau pour que, toutes les trois heures, quelque milliers de neurones dans une partie du cerveau qu’on appelle l’hypothalamus arrêtent de libérer un peptide appelé somatostatine (de somato- croissance et statine : qui bloque), alors que quelques autres milliers de neurones se mettent à libérer une petite giclée de somatolibérine (comme son nom l’indique). Cette giclée est alors transportée vers l’adénohypophyse qui répond à son tour à ce signal par une giclée mille fois plus forte de GH. Mon cerveau s’assure que, toute les trois heures, ces quelques milliers de cellules soient bloquées et activées de manière coordonnée ; sinon, à la place de cette giclée de GH, j’aurais juste une espèce de goutte à goutte …
Or, un goutte à goutte ne suffit pas. Les neuroendocrinologistes ont décrit plusieurs souches de souris et rats qui ne grandissent pas très bien. L’adénohypophyse de ces animaux ne produit pas suffisamment de GH. Mais si on les injecte régulièrement avec l’hormone, ils récupèrent une croissance normale, à condition que les injections aient lieu avec une fréquence proche de celle du rythme naturel de GH, environ toutes les trois heures. Certains enfants bénéficient également d’un traitement grâce à la GH humaine qu’on peut fabriquer maintenant en grande quantité et appliquer sans risque, grâce aux techniques de biologie moléculaire.
Du rythme !
On ne sait pas précisément comment le cerveau s’assure de la bonne fréquence du rythme de GH. Une partie de la réponse est la GH elle même. Une fois libérée dans le sang, elle rétroagit sur l’hypothalamus pour activer les cellules qui libèrent de la somatostatine et bloquer l’activité des neurones qui libèrent la somatolibérine. Mais ce qui coordonne les cellules trois heures plus tard et ce qui synchronise leur activité reste encore mystérieux.
Cela a une certaine importance car pratiquement tout le monde à partir de la trentaine commence à voir l’amplitude de son rythme de sécrétion de GH diminuer. Notre corps prend une forme de poire, notre peau se ride, nos muscles s’affaiblissent et notre temps de sommeil raccourcit. Les neuroendocrinologistes étudient la genèse des rythmes hormonaux et leurs modifications en fonction de l’exercice, la maladie, le vieillissement.
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Mon cerveau s’assure que toute les trois heures, les neurones à somatolibérine sont synchronisés.
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Une avancée importante est venue d’un peptide synthétique, découvert un peu par hasard. Ce GHRP (GH-releasing peptide : peptide qui libère la GH) stimule la sécrétion de l’hormone en ” synchronisant ” l’hypothalamus. Après une injection de GHRP, on observe le type de rythme qu’on s’attend à trouver chez un individu jeune en pleine santé. Le GHRP agit sur les cellules qui fabriquent la somatolibérine, mais aussi sur d’autres neurones et un peu sur l’hypophyse.
L’ expression du gène du récepteur aux GH-sécrétagogues dans le cerveau d’un rat est abondante (couleurs brillantes) dans l’hippocampe et aussi dans le noyau arqué, à la base du cerveau où se trouvent les cellules qui synthétisent la somatolibérine.
Le GHRP agit par des récepteurs spécifiques, les récepteurs des GH-sécrétagogues, dont le premier a été cloné et séquencé en 1996. La figure montre l’expression de ce récepteur dans le cerveau d’un rat, par la technique d’hybridation in situ. Ce récepteur est abondamment exprimé dans l’hypothalamus, à la base du cerveau, et dans l’hippocampe (l’espèce d’œil dans la partie supérieure de la coupe de cerveau). Dans l’hypothalamus, le noyau arqué (tout au dessous) contient les neurones qui sécrètent la somatolibérine.
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Avec l’âge, nos corps prennent une forme de poire, notre peau se ride, et nos muscles s’affaiblissent.
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Rythme de GH dans le sang d’un homme âgé avant (en gris foncé) et pendant (en clair) un traitement journalier avec un GH-sécrétagogue.
Certains neuroendocrinologistes ont développé des médicaments qui agissent sur ces récepteurs. Sur la figure, la ligne bleue correspond à la sécrétion de GH chez un homme âgé et la ligne rouge à cette même sécrétion pendant le traitement. Le résultat est spectaculaire mais limité dans le temps… Des médicaments analogues pourraient peut être bénéficier à certains enfants déficients en GH ou préserver les fonctions musculaires chez des patients fortement amaigris.
Il y a cinq ans, en décembre 1999, un peptide naturel qui se lie à ces récepteurs a été découvert : la ghreline (cf brève n° 15). La surprise a été grande car la ghreline est particulièrement exprimée dans l’estomac et agit non seulement sur la croissance mais également sur l’appétit. Mais ceci est une autre histoire …
Traduction et adaptation:
Jacques Epelbaum, INSERM U549, Paris
Cette brève est produite par la British Society for Neuroendocrinology et peut être utilisée librement pour l’enseignement de la neuroendocrinologie et la communication vers le public.
©British Society for Neuroendocrinology et Société de Neuroendocrinologie pour la traduction.