Le stress prénatal altère la plasticité cérébrale chez le rat mâle adulte
Le maintien de la vie d’un organisme requiert un ensemble d’adaptations pour faire face aux contraintes environnementales. Une adaptation adéquate nécessite ainsi une certaine ” plasticité neuro-comportementale “. En effet, la réponse à une variation de l’environnement induit différentes modifications physiologiques et comportementales, telles que par exemple, la libération accrue de glucocorticoïdes, d’adrénaline, une réaction de fuite, d’attaque, dont le but est le retour à l’homéostasie. Ces modifications transitoires peuvent correspondre à la notion d’allostasie (” stabilité à travers le changement “). Dans ce cadre, l’axe corticotrope occupe une position centrale parmi les systèmes neuroendocriniens impliqués dans cette ” plasticité neuro-comportementale “. Cependant, un dysfonctionnement de cet axe du stress, observé généralement lorsque le stimulus est chronique ou d’intensité trop élevé, peut provoquer la survenue de différents symptômes classiquement observés dans les pathologies anxieuses et dépressives.
Le modèle de stress prénatal (SP) par contention de la mère gestante chez le rat, étudié par l’équipe de S. Maccari, reproduit un grand nombre de ces symptômes tant au point de vue comportemental que neurobiologique. Ainsi, l’objectif majeur de cette thèse concerne les perturbations de la plasticité cérébrale et ses conséquences chez le rat adulte stressé prénatalement.
Dans un 1er chapitre, nous avons montré que suite à une exposition au bras ouvert (BO) du labyrinthe en croix surélevé, les rats SP et contrôles ont une activation neuronale différentielle -évaluée par l’expression de la protéine Fos- dans des régions cérébrales qui contrôlent l’axe corticotrope et les comportements de type anxieux. En effet, la prolongation de la sécrétion de corticostérone suite à l’exposition dans le BO, chez les rats SP, traduit une altération des mécanismes de rétrocontrôle de l’axe corticotrope. En effet, au niveau cérébral, les rats SP présentent une non-activation de l’hippocampe et du locus coeruleus, deux structures interconnectées et contrôlant étroitement l’axe corticotrope. De plus, en corrélant le comportement et l’expression de la protéine Fos dans certaines structures limbiques (hippocampe, amygdale, cortex préfrontal), suite à l’exposition au BO (fortement anxiogène) ou au bras fermé (faiblement anxiogène), nous montrons une corrélation négative entre la réactivité comportementale et l’activation de ces régions limbiques chez le rat SP : lorsque la situation est très anxiogène, les rats SP ont une réactivité comportementale diminuée et une activation accrue des régions limbiques. Cette corrélation peut être considérée comme un exemple de plasticité neuro-comportementale chez le rat, qui serait altérée par le SP.
Afin de d’évaluer plus précisément cette plasticité, nous avons étudié dans le 2ème chapitre, la neurogénèse et certains facteurs la régulant, comme le BDNF et les récepteurs métabotropiques au glutamate (mGluRs). Cette étude s’est focalisée sur l’hippocampe dorsal (mémorisation) et l’hippocampe ventral (contrôle de l’anxiété) et a été réalisée chez des rats mâles et femelles SP et contrôles. Les résultats obtenus soutiennent que seuls les rats SP mâles présentent une diminution de la neurogénèse hippocampique tant au niveau dorsal que ventral qui est associée à une augmentation, probablement compensatoire, de l’expression du BDNF hippocampique. De plus, le SP induit une diminution de l’expression et de l’activité des mGluRs, surtout ceux groupe I (impliqués dans la neurogénèse et le contrôle de l’anxiété). Enfin, il apparaît qu’une diminution de l’activité intracellulaire couplée à l’activation des mGluR I (hydrolyse du PIP3) intéresse surtout l’hippocampe ventral des rats SP mâles.
Le 3ème et dernier chapitre décrit les effets d’un traitement chronique par l’agomélatine, nouvel antidépresseur ciblant les systèmes sérotoninergiques et mélatoninergiques, sur le comportement de type anxieux et la neurogénèse hippocampique chez les rats SP mâles. Après une administration de l’agomélatine pendant 6 semaines, les rats SP ont un niveau d’anxiété réduit, une augmentation de la neurogénèse (hippocampe ventral), une expression de BDNF similaire à celle observée chez les rats contrôles-véhicule et une augmentation de l’expression des mGluR de type I. Ces effets de l’agomélatine contrecarrent les altérations comportementales et hippocampiques déclenchées par le SP.
En conclusion, les rats SP présentent une altération des mécanismes de rétrocontrôle de l’axe corticotrope dont la conséquence comportementale immédiate est une plus grande ” anxiété ” en réponse au stress. Sur le plan neurobiologique, ces modifications se traduisent par une diminution dans l’activation de régions limbiques et du locus coeruleus et au niveau hippocampique par une diminution de la neurogénèse, de l’activité et de l’expression des mGluRs, ainsi que par une augmentation de l’expression du BDNF tentant peut être de compenser la diminution de neurogénèse. Ces modifications observées uniquement chez les rats SP mâles touchent particulièrement la région ventrale de l’hippocampe. Le rétablissement de cette ” plasticité neuro-comportementale ” par un traitement chronique avec des antidépresseurs supporte le modèle du stress prénatal chez le rat comme un paradigme des symptômes caractéristiques des troubles sévères de l’humeur comme les dépressions ou les troubles anxieux.
Mots-clés : non communiqué
Présentée le 25 Septembre 2006
Laboratoire où a été préparée la thèse :
Laboratoire de Stress Périnatal (Pr Stefania Maccari, LNC (Neurosciences), Bat SN41, Université de Lille 1, 59665 – Villeneuve d’Ascq
Nom du directeur de thèse: Dr Odile Viltart