Vieillissement neuroendocrinien du complexe hypothalamo-hypophysaire chez le rat : criblage moléculaire, axe somatotrope et régulation de la prise alimentaire
L’hypothèse neuroendocrinienne du vieillissement a été fortement étayée par des expérimentations génétiques sur des modèles simples tels le nématode, la mouche et, plus récemment, la souris. Dans cette thèse, nous nous sommes intéressés au vieillissement du complexe hypothalamo-hypophysaire en nous focalisant sur l’axe somatotrope et la régulation de la prise alimentaire.
Dans un premier temps, nous avons validé la technique de “cDNA expression array” pour identifier des modifications de profils d’expression génique sur des hypophyses de rats Sprague-Dawley, qui développent avec l’âge une obésité, ainsi qu’une incidence accrue de nombreuses pathologies (glomérulonéphrose, maladies du système cardiovasculaire et tumeurs hypophysaires). Cette technique a ensuite été utilisée pour rechercher les modifications d’expression génique associées au vieillissement du complexe hypothalamo-hypophysaire dans la même souche. L’étude a porté sur des animaux de trois âges différents (3, 12 et 24 mois), les rats âgés étant scindés en deux groupes selon la présence ou non d’une tumeur hypophysaire macroscopique à prolactine. Sur les 1183 gènes de l’array, 454 et 116 ont été observés dans l’hypothalamus et l’hypophyse, respectivement. La proportion de gènes modifiés en fonction de l’âge ou de la présence d’une tumeur est relativement modeste dans les deux tissus (hypothalamus : 1,5 et 1,2% et hypophyse 5,2 et 5,2%, respectivement). Bien que le gène de la GH soit fortement diminué avec l’âge, ceux du GHRH et du SRIH n’apparaissent pas modifiés. En revanche, nous avons observé une modification de l’expression de familles de gènes hypothalamiques impliqués (i) dans la plasticité neurogliale (set a/ß et calponine augmentées avec l’âge et diminuées en présence de tumeur), et (ii) dans la régulation de l’homéostasie énergétique (orexine, POMC et CART diminués avec l’âge, et MCH augmentée en présence de tumeur). Ces données suggèrent une baisse de la dépense énergétique au cours du vieillissement dans la souche Sprague-Dawley et une augmentation lors de la présence de tumeur.
Malgré l’environnement protégé des animaleries, la longévité n’est pas constante selon les souches de rats, ce qui suggère des différences de vieillissement entre celles-ci. Dans un second temps, nous avons donc recherché si les facteurs neuroendocriniens et périphériques impliqués dans la régulation de la GH et de la prise alimentaire différaient dès l’âge de trois mois et pouvaient permettre de prédire la longévité dans sept souches de rats (Long Evans, Lewis, Fischer 344, Wistar Furst, WAG/Rij, Brown Norway et Lou M). Cette étude a été poursuivie dans deux conditions nutritionnelles différentes (nourris et jeûneurs ; Fischer 344, Brown Norway, Wistar et Lou C). Parmi ces quatre souches, qui répondent différemment au jeûne, seul le rat Lou C présente de nombreux paramètres différents des autres souches, et semble avoir une longévité accrue.
La souche de rat Lou C dérive initialement de la souche Wistar. Nous avons alors évalué, dans ces deux souches, les modifications de l’axe somatotrope et de l’expression des gènes hypothalamiques impliqués dans la régulation de l’homéostasie énergétique au cours du vieillissement (rats âgés de 3, 12 et 24 mois). Nous avons utilisé des rats Lou C d’un élevage différent (Lou C/Jall), dont une étude avait déjà suggéré un vieillissement sans développement d’obésité ou de maladies avec l’âge, et qui pourrait donc être un bon modèle d’étude du vieillissement “réussi”. Au contraire du rat Wistar, la baisse de la sécrétion pulsatile de GH avec l’âge est retardée chez le rat Lou C/Jall, et les valeurs d’IGF-I, plus basses quel que soit l’âge dans cette souche, diminuent fortement avec l’âge. Les taux de ghréline sont augmentés dans les deux souches au cours du vieillissement, alors que les taux de leptine, comme le poids corporel, augmentent uniquement chez le rat Wistar. Enfin, l’augmentation avec l’âge de l’expression des gènes du NPY, de l’AgRP chez le rat Lou C/Jall et de celle de la POMC chez le rat Wistar suggère que, à l’inverse des rats Wistar, le rat Lou C/Jall âgé pourrait présenter une augmentation de sa dépense énergétique. Cette hausse, est associée à un changement de préférences alimentaires et à une augmentation du métabolisme lipidique. Ce changement métabolique pourrait changer le rapport (NAD/NADH) et réguler plusieurs paramètres comme la réparation de l’ADN, la longueur des télomères et la transcription des gènes, activés par le stress notamment. Cet effet du NAD passe par la modulation de l’activité de Sir 2, déjà impliquée dans la régulation, chez la levure, de la longévité.
Mots clés : vieillissement – prise alimentaire – hypothalamus – axe somatotrope – macro array – RT PCR semi quantitative
Présentée le 15 mars 2004
Laboratoire où a été préparée la thèse:
INSERM U549, IFR Broca-Ste Anne, Université Paris 5 René Descartes, Centre Paul Broca, 2ter rue d’Alésia, 75014 Paris
Nom du Directeur de thèse : Dr Jacques Epelbaum, co-direction Dr Marie Thérèse Bluet-Pajot