Les microARN et la fonction gonadotrope hypophysaire
Résumé
La neuro-hormone Gonadotropin-releasing hormone (GnRH) joue un rôle crucial en régulant, de façon différentielle suivant l’amplitude et la fréquence de ses pics de sécrétion, la synthèse et la sécrétion des gonadotropines Luteinizing Hormone (LH) et Follicle-Stimulating Hormone (FSH). A leur tour, LH et FSH régulent de façon spécifique l’activité des gonades. La stimulation continue par la GnRH conduit à la désensibilisation des cellules gonadotropes et à l’arrêt de la production des gonadotropines. Les événements de transduction du signal et les réponses transcriptionnelles activées par le récepteur de la GnRH ont fait l’objet d’études approfondies. Le rôle d’une nouvelle classe de petits ARN non-codants régulateurs, les micro-ARN (miARN), reste cependant très peu connu dans la régulation de la fonction gonadotrope par la GnRH et notamment dans le phénomène de désensibilisation.
Mon travail de thèse s’est focalisé sur l’étude du rôle des miARN comme modulateurs de l’expression des gonadotropines en réponse à un traitement par la GnRH. Dans un premier temps, nous avons étudié les miARN-132 et -212 fortement induits en réponse à la GnRH dans les cellules gonadotropes. Nous démontrons que l’induction de la production de FSH par la GnRH est dépendante de l’activation des miR-132/212 dans les cellules hypophysaires de rat et dans la lignée cellulaire gonadotrope LβT2. Nous montrons à l’aide de cette lignée que l’élévation de miR-132/212 inhibe l’expression de la lysine déacétylase SIRT1, favorisant ainsi l’acétylation inhibitrice d’un répresseur transcriptionnel de la FSH, conduisant donc à l’activation de l’expression de la FSH (Lannes et al, 2015).
J’ai ensuite étudié l’action d’un miARN fortement inhibé en réponse à la GnRH, miR-125b. Nous démontrons que miR-125b bloque la signalisation Gαq/11 en réprimant plusieurs effecteurs de cette voie, sans réguler la voie Gαs. Lors de l’exposition à la GnRH, miR-125b est inactivé par transfert d’un groupement méthyle par l’ARN méthyltransférase NSun2, activée par phosphorylation Gαs/PKA-dépendante. Nous observons que l’induction demiR-132 et de la phosphatase PP1α en réponse à la GnRH dépend de la voie Gαq/11 et est induite par l’inactivation de miR-125b. Nous démontrons que NSun2 est une cible de miR-132 et que la phosphorylation de NSun2 est supprimée par la phosphatase PP1α. Des analyses cinétiques nous ont permis de décrypter le mécanisme de désensibilisation à la stimulation GnRH. Lors de la phase d’induction par la GnRH, l’activation de la voie Gαs/PKA inactive miR-125b permettant une levée d’inhibition de la voie Gαq/11 et par là, l’induction des gènes des gonadotropines, de miR-132 et PP1α. L’activation de ces derniers contribue à l’inactivation de NSun2 et à un retour de miR-125b à son état d’équilibre permettant de nouveau l’inhibition de la voie Gαq/11 et donc de l’expression des gonadotropines (Lannes et al, 2016). Notre étude montre pour la première fois le rôle crucial d’une boucle de régulation entre deux miARN dans le mécanisme de la désensibilisation de la réponse à la GnRH. Le caractère ubiquitaire des acteurs de cette boucle de régulation laisse penser qu’elle pourrait jouer un rôle plus général.
Les travaux complémentaires effectués montrent que la GnRH induit la sécrétion de plusieurs miARN. In vitro, nous avons démontré que la GnRH provoque une libération calcium-dépendante de miR-125b et de miR-132 dans le milieu extracellulaire par les cellules gonadotropes. In vivo, nous mettons en évidence chez la rate et la femme, une augmentation sérique des miARN-125b et -132 au moment de la décharge ovulante de LH induite par la GnRH. Ces résultats suggèrent que la cellule gonadotrope hypophysaire est capable d’émettre un message original, sous la forme de miARN, dans la circulation sanguine.
Mes travaux de thèse éclairent le rôle clé joué par les miARN dans la réponse de la cellule gonadotrope à la stimulation prolongée à la GnRH. Ils mettent en évidence l’effet bloquant d’un seul miARN, miR-125b sur la signalisation liée à la protéine Gαq/11, une voie activée par nombre de récepteurs. Ils révèlent l’existence d’une boucle de régulation responsable de la désensibilisation à la GnRH mais qui pourrait être plus largement répandue. Enfin, la sécrétion des miARN dans la circulation sanguine induite par la GnRH que nous mettons en évidence pour la première fois ouvre des perspectives particulièrement intéressantes sur la nature du signal généré par les cellules gonadotropes et permet d’envisager l’existence de nouveaux tissus cibles.
Présentée le 20 octobre 2016
Laboratoire où a été préparée la thèse : Institut de Biologie Fonctionnelle et Adaptative, UMR 8251 CNRS – U1133 INSERM, Université Paris-Diderot (P7)
Nom du directeur de thèse : Bruno Quérat