Laboratoire PsyNuGen, Université Bordeaux 2, CNRS UMR 5226, INRA UMR 1286, UFR de pharmacie, 2ème tranche, 2ème étage, Case Courrier 34, 146 rue Léo Saignat, 33076 Bordeaux Cedex
I – Le contrôle glial de l’activité neuronale électrique et sécrétoire
I-1 : Participation dynamique des astrocytes à une régulation physiologique neuroendocrine, l’osmorégulation. Plasticité cérébrale
I-2 : Rôle délétère des cellules gliales dans les conditions physiopathologiques. Perte de plasticité fonctionnelle cérébrale et Dysfonctionnement des réseaux neuronaux
II – Rôle crucial des neuropeptides dans la signalisation de ‘neurone-à-neurone’ et de ‘neurone-à-glie’
Conclusion
Selon certains, la Neuroendocrinologie n’appartient pas aux fonctions dites “nobles” des neurosciences (Vision, motricité, audition, mémoire, intelligence..). Cependant, elle a su et continue d’être un ” incubateur ” de nouveaux concepts qui, après lui avoir été spécifiques ont largement été repris par les Neurosciences. L’un des plus marquants est la transmission volumique, processus décrit il y a plus de 15 ans (Volume transmission in the brain : novel mechanism for neural transmission, Fuxe & Agnati, 1991, Raven Press, Ltd., New York) dont les impacts fonctionnels (de l’échelon moléculaire à celui de réseau neuronal) et les implications physiologiques, ont été particulièrement bien analysés et interprétés dans les systèmes neuroendocriniens, en particulier le système hypothalamo-neurohypophysaire. Les neurones hypothalamiques à vasopressine (VP) et à ocytocine (OT), avec leurs partenaires indispensables, les cellules gliales, constituent de ce point de vue, un modèle particulièrement attractif car il est à la base de notre compréhension actuelle de l’implication – via la transmission volumique peptidergique – des neurones et des cellules gliales dans le contrôle de fonctions endocrines. Cette transmission volumique peptidergique qui s’effectue de façon bidirectionnelle aussi bien de ‘neurone-à-neurone’, de ‘neurone-à-glie’, que de ‘glie-à-neurone’, implique des peptides spécifiques dont la nature dépend des fonctions neuroendocrines contrôlées.
En tirant profit de données obtenues au sein de mes différents laboratoires, cette revue envisagera tout d’abord la communication de ‘glie-à-neurone’ où les astrocytes peuvent jouer un rôle (i) sensoriel dans l’osmorégulation de cellules neuroendocrines et (ii) délétère dans un processus physiopathologique (neuroinflammation chronique à bas bruit lors du vieillissement). Enfin, je rappellerai les mécanismes de la transmission volumique du neuropeptide OT (et des facteurs colibérés) dans la communication ‘neurone-à-neurone et -à-glie’ et son impact dans un processus physiologique, la signalisation neuronale fonction-dépendante à l’âge adulte.
I – Le contrôle glial de l’activité neuronale électrique et sécrétoire.
Concernant la communication aiguë ‘glie-à-neurone’, le rôle des astrocytes a été longtemps sous-estimé et réduit à un rôle de support nutritionnel et trophique pour les neurones, ou comme tissu de remplissage. Depuis une dizaine d’années, la démonstration de leur participation dans le contrôle de la transmission synaptique via la libération de substances neuroactives (gliotransmetteurs), a permis de leur attribuer un rôle actif dans le contrôle du fonctionnement neuronal au niveau de la synapse et de développer le concept de ‘synapse tripartite’. Les cellules gliales sont ainsi devenues les ” nouvelles stars du cerveau ” en participant à des fonctions jusqu’à présent dévolues aux neurones : le développement et l’activité des synapses. Les travaux de mon laboratoire à Montpellier ont mis en évidence un autre type de communication aiguë de ‘glie-à-neurone’, où les astrocytes jouent un rôle sensoriel dans l’osmorégulation de cellules neuroendocrines. Enfin, j’illustrerai le rôle délétère des cellules gliales sur la fonctionnalité des neurones VP, dans un processus physiopathologique (neuroinflammation chronique à bas bruit lors du vieillissement), rôle qu’elles exercent en libérant dans l’espace extracellulaire des molécules inflammatoires.
I-1 : Participation dynamique des astrocytes à une régulation physiologique neuroendocrine, l’osmorégulation. Plasticité cérébrale.
Pendant longtemps, la participation des neurones à vasopressine (VP) des noyaux supraoptiques (NSO) et paraventriculaires, à l’osmorégulation était réduite aux conditions d’isoosmolarité et d’hyperosmolarité. Leur activation lors d’un challenge hyperosmotique était connue pour résulter de la mise en jeu d’afférences nerveuses périphériques (voie vagale) et centrales en réponse à l’activation d’osmorécepteurs périphériques (dans la veine porte hépatique notamment) et centraux (dans les organes circumventriculaires). Le schéma d’activation des neurones VP lors d’une hyperosmolarité était simple : les neurones VP répondaient à ces informations nerveuses en exprimant et renforçant un patron d’activité électrique phasique spécifique, consistant en une alternance de périodes d’activité (de 20 à 100 secondes) et de silences de durées équivalentes. Ce patron de décharge était connu pour être le plus efficace au niveau des terminaisons de la neurohypophyse pour induire une libération élevée et soutenue de VP (jusqu’au rétablissement de l’osmolarité à un niveau normal). Ce schéma s’est ensuite complété du fait de la découverte de l’osmosensibilité intrinsèque des neurones VP, osmosensibilité assurée grâce aux mécanorécepteurs/ osmorécepteurs, exprimés à la membrane des neurones et formés d’un canal cationique qui s’active lors d’une hyperosmolarité du milieu extracellulaire, et s’inactive lors d’une hypoosmolarité. L’activation ou l’inactivation de ce canal cationique conduisait respectivement à une augmentation ou diminution d’excitabilité des neurones VP et, par conséquent, à un renforcement ou une inhibition de l’activité phasique. L’inhibition des neurones VP dans les conditions d’hypoosmolarité était considérée comme résultant simplement de l’inactivation des osmorécepteurs (périphériques, centraux et intrinsèques) et des afférences excitatrices.
Cependant, la découverte de la taurine, acide aminé présent en forte concentration dans la glie du NSO est venue compléter ce schéma réducteur. La taurine, est en effet connue dans le système nerveux central pour jouer le rôle d’osmolyte et réguler le volume cellulaire. Les expériences de périfusion de NSO ont démontré l’origine gliale de la libération de taurine et son osmodépendance : faible dans les conditions iso-osmotiques, sa libération est accrue par l’hypoosmolarité et diminuée par l’hyperosmolarité. Ces données suggéraient la présence dans les cellules gliales d’un sous-type particulier de canal, identifié par la suite comme un canal anionique, qui, activé lors du gonflement cellulaire, devient perméable à la taurine. La taurine étant libérée dans les NSO de façon osmodépendante, il était donc possible qu’elle module l’activité des neurones VP et participe ainsi à la régulation de la balance hydrique. Cette hypothèse, testée par des approches in vitro (enregistrements patch-clamp), a permis d’identifier les récepteurs de la glycine comme partenaires de la taurine, hypothèse confortée par leur visualisation sur toute la surface des somas neuronaux en vis-à-vis des processus astrocytaires. In vivo, les enregistrements extracellulaires de l’activité des neurones VP du NSO ont permis d’attester que la taurine est un agoniste partiel des récepteurs de la glycine et qu’elle inhibe l’activité des neurones VP. Les récepteurs de la glycine sont impliqués non seulement dans l’inhibition soutenue des neurones VP induite par une hypoosmolarité mais participent également au contrôle de leur activité basale phasique dans des conditions d’isoosmolarité (le blocage des récepteurs de la glycine augmente l’activité phasique). Ces résultats intéressants suggèrent l’activation des récepteurs glycine par un facteur endogène dont la libération, tonique dans des conditions de balance hydrique normale, est stimulée lors d’une hypoosmolarité. Il est très vraisemblable que la taurine soit ce facteur endogène puisqu’il n’existe pas d’innervation glycinergique du NSO.
En conclusion, ces données nous ont permis de développer un nouveau concept, celui de la gliotransmission et de l’implication dynamique des cellules gliales dans le contrôle de l’activité neuronale dans un contexte de régulation physiologique, celui de la régulation osmotique. Les neurones VP ne sont donc plus les seuls éléments du NSO impliqués dans la régulation de la balance hydrique. Les astrocytes agissent comme des osmodétecteurs et jouent également un rôle clef dans l’homéostasie hydrique par l’intermédiaire d’une libération osmodépendante de taurine. Par son action inhibitrice via les récepteurs de la glycine, la taurine module l’activité des neurones du NSO dans des conditions d’iso- mais surtout d’hypoosmolarité, et se comporte ainsi comme un osmomédiateur. Ce rôle pourrait être affecté par les remaniements morphologiques du NSO (rétraction de la glie) lors de la lactation.
I-2 : Rôle délétère des cellules gliales dans les conditions physiopathologiques. Perte de plasticité fonctionnelle cérébrale et Dysfonctionnement des réseaux neuronaux
Le vieillissement normal est un processus physiologique conduisant à un déséquilibre hydrominéral de l’organisme. Ce déséquilibre se traduit par une déshydratation sévère. L’organisme y répond par une stimulation du système hypothalamo-neurohypophysaire conduisant à l’augmentation de la libération de VP (ou hormone antidiurétique), qui pourrait prévenir une déshydratation possiblement critique. Les neurones VP de rats âgés présentent en effet une hypertrophie associée à une hyperactivité se traduisant par un taux plasmatique basal de VP élevé, par rapport aux rats adultes.
Le vieillissement s’accompagne également de la production exacerbée de cytokines pro-inflammatoires alors que les molécules anti-inflammatoires disparaissent, aussi bien au niveau périphérique que dans le système nerveux central. Parmi les molécules inflammatoires pertinentes du NSO, susceptibles d’affecter l’activité des neurones VP, figurent l’IL-6, molécule pro-inflammatoire présente dans les astrocytes et connue pour sous tendre l’activation précoce des neurones VP lors d’un challenge immun (injection systémique de LPS), et l’IGF-I, facteur de croissance de type insulinique ayant des propriétés anti-inflammatoires, présent également dans les astrocytes du NSO et connu pour inhiber l’activité des neurones VP (effet hyperpolarisant). Ainsi, l’IL6 et l’IGFI, via une transmission volumique de glie-à-neurone, contrôlent de façon opposée l’activité des neurones VP en agissant directement sur leurs récepteurs respectifs exprimés par les neurones VP.
Lors du vieillissement, les astrocytes du NSO surexpriment la GFAP suggérant un dysfonctionnement possible de ces cellules gliales. Ce dysfonctionnement se traduit par une surexpression d’IL-6 alors que l’IGF-I disparaît. Le fonctionnement et la réactivité des neurones VP à une stimulation, sont également perturbés : la réponse à un challenge immun (LPS) est amoindrie, la libération de VP étant plus brève et plus faible que chez des rats adultes. Cependant, cette brève activation peut être corrélée à une antidiurèse concomitante, attestant ainsi de l’efficacité de l’AVP au niveau rénal.
Nous basant sur ces données, nous avons postulé que le déséquilibre de la balance IL-6/IGF-I était responsable du dysfonctionnement des neurones VP lors du vieillissement. Cette hypothèse s’est révélée pertinente puisque chez les rats âgés, le prétraitement intracérébral avec un anticorps neutralisant anti-IL-6 ou avec de l’IGF-I recombinant de rat, renverse l’antidiurèse induite par le LPS.
En conclusion, il existe bien (i) une sécrétion endogène anormale de molécules inflammatoires par les astrocytes au cours du vieillissement, avec excès pour l’IL-6 et insuffisance pour l’IGF-I, et (ii) un rapport causal entre l’état de la balance pro-/anti-inflammatoire (en l’occurrence l’IL-6 et l’IGF-I) et le fonctionnement des neurones VP. Lors du vieillissement, sécrétées (ou non) par les astrocytes dans l’espace extracellulaire, elles vont par transmission volumique affecter (ou non) directement et en permanence la fonctionnalité des neurones VP qui se trouvent alors dans un état anormal d’activation les rendant incapables de répondre convenablement et pleinement à une stimulation supplémentaire (hyporéactivité). Palier le déséquilibre de la balance pro-/anti-inflammatoire par un traitement pharmacologique, permet de rétablir les conditions physiologiques observées chez des rats adultes.
II – Rôle crucial des neuropeptides dans la signalisation de ‘neurone-à-neurone’ et de ‘neurone-à-glie’.
Le réflexe d’éjection du lait est peut-être le meilleur exemple d’un rôle physiologique d’une transmission volumique par un peptide neuronal dans le cerveau. Pour mieux saisir ce phénomène, nous avons développé un modèle mathématique du réflexe d’éjection de lait en utilisant les nombreuses données accumulées au cours des 30 dernières années. Ce modèle a permis d’expliquer les phénomènes paradoxaux obtenus expérimentalement.
Lors de l’allaitement, les petits qui tètent sont ”récompensés” par intermittence par une éjection de lait qui résulte de la sécrétion pulsatile réflexe d’ocytocine (OT). Chez le rat, l’OT est synthétisée par environ 9 000 neurones magnocellulaires hypothalamiques, dont chacun envoie un axone unique dans la posthypophyse. A ce niveau, chaque axone donne naissance à environ 2000 varicosités où s’accumulent les grandes vésicules neurosécrétrices contenant l’OT. Ces vésicules sont sécrétées par exocytose en réponse aux potentiels d’action (PA) propagés du soma vers les terminaisons axonales.
Dans les conditions basales, les neurones OT ont une activité de base aléatoire asynchrone, à faible fréquence (1 à 3 PA/seconde), mais au cours de l’allaitement, ils expriment de façon synchrone, de brèves bouffées de potentiels d’action à haute fréquence (50-150 potentiels d’action pendant 1 à 3 s) appelées ‘bursts’ (ou bouffées). Ces bursts sont à l’origine d’une libération pulsatile d’OT. Véhiculée par voie sanguine jusqu’à la glande mammaire, l’OT y provoque la contraction des cellules épithéliales résultant en une éjection de lait. Chez la ratte allaitante, l’activité de base des neurones OT est semblable à celle des rattes non lactantes : les neurones déchargent à faible fréquence de façon aléatoire et asynchrone. L’allaitement produit peu de changement, sauf que les cellules ayant une très faible activité de base ont tendance à légèrement s’accélérer, tandis que les neurones les plus rapides ralentissent leur fréquence de décharge. Après quelques minutes de tétée, les premiers bursts apparaissent et surviennent de façon périodique toutes les 5 à 10 minutes. La plupart des autres stimulations (challenge hyperosmotique, injections systémiques de cholécystokinine…) déclenchent une activation tonique des neurones OT qui est identique chez la ratte allaitante ou non allaitante. Cette augmentation constante de la fréquence de décharge produit une libération tonique d’OT qui persiste pendant 10 à 15 min.
Les bursts du réflexe d’éjection de lait varient en amplitude d’un neurone à l’autre, en fonction de la force de l’allaitement, mais ils sont constants dans leur forme globale d’un burst à l’autre pour une cellule donnée. Ces caractéristiques stéréotypées ont conduit à postuler que le burst reflète des mécanismes intrinsèques aux neurones OT, mais ces mécanismes restent encore inconnus. Dans les cultures organotypiques d’hypothalamus néonatal de rat, les réseaux de neurones OT expriment périodiquement des bursts étroitement synchronisés. Cependant, l’activité inter-burst présente également des niveaux élevés de synchronisation, contrairement aux observations in vivo, et les bursts sont généralement plus longs et moins intenses que les bursts in vivo. Dans des tranches d’hypothalamus provenant de rattes allaitantes, les neurones OT expriment également des bursts en milieu contenant une faible concentration de calcium extracellulaire et après application de phényléphrine. Cependant, ces bursts ne sont pas synchronisés et sont moins intenses qu’in vivo. Excepté ces deux exemples, les préparations in vitro ne reproduisent pas les bursts enregistrés in vivo. Ainsi, les bursts dépendent de caractéristiques complexes liées aux propriétés intrinsèques des neurones et dépendant du stimulus de la tétée. La nature des afférences est importante puisqu’en absence des petits, les neurones n’expriment pas de bursts. Les propriétés membranaires intrinsèques des neurones OT, en particulier les conductances calciques et potassiques calcium-dépendantes (hyperpolarisation post-potentiel, hyperpolarisation post-burst) contribuent à l’intervalle inter-potentiel d’action et au profil des bursts (HAP) ainsi qu’à l’inhibition post-bursts (AHP). Cependant l’un des facteurs majeurs contrôlant la genèse et l’expression des bursts est l’OT elle-même, sécrétée par le soma et les dendrites des neurones OT en réponse au stimulus de la tétée. En effet, l’application centrale d’un antagoniste du récepteur de l’OT bloque l’apparition des bursts sur les neurones OT, attestant que la libération endogène du peptide est un prérequis à l’expression des bursts. In vivo, lors de la tétée, la libération dendritique d’OT est détectée avant l’apparition des bursts. Les injections centrales d’OT, facilitent l’expression des bursts mais est inefficace en absence du stimulus tétée.
Une des premières actions de l’OT libérée dans l’espace extracellulaire est le remaniement morphologique des structures hypothalamiques contenant les neurones OT (les NSO notamment). Ce remaniement consiste en une rétraction des processus astrocytaires qui auparavant encapsulaient les somas et dendrites des neurones OT. Il en résulte une intercommunication cellulaire accrue, au travers des somas étroitement apposés et des dendrites alors organisés en faisceaux de 3 à 8 dendrites. L’absence de processus astrocytaires permet également aux afférences d’établir simultanément des contacts avec deux ou trois neurones OT. Dans cette nouvelle configuration, les molécules libérées par les neurones dans des espaces extracellulaires restreints auront un impact majeur sur toute la population de neurones OT et des afférences.
Dans les conditions basales où l’activité neuronale reste faible, la libération dendritique est mineure mais elle est surtout évoquée par des stimuli qui mobilisent le calcium intracellulaire. Lorsque l’OT est libérée, elle agit en retour sur ses récepteurs dendritiques de haute affinité et augmente la mobilisation du calcium à partir des réserves intracellulaires ce qui favorise le processus de libération d’OT. La mobilisation du calcium intracellulaire a également une conséquence majeure : elle permet non seulement la constitution d’une réserve de vésicules d’OT dans les somas et dendrites mais aussi leur transport vers leur site d’exocytose, les rendant ainsi disponibles pour la libération activité-dépendante. Nous avons postulé que ce ‘priming effect’ était essentiel à la genèse des bursts. L’OT libérée module également les afférences via la production d’endocannabinoïdes qui exercent une inhibition présynaptique sur les terminaisons excitatrices glutamatergiques. L’OT diminue l’impact des afférences inhibitrices GABAergiques en agissant à la fois de façon pré- (action en synergie avec l’adénosine) et post-synaptique.
Ainsi, la libération intracérébrale d’OT dans l’espace extracellulaire gère toute l’activité du réseau de neurones OT et de leurs cellules voisines (cellules gliales, neurones afférents). Les neurones OT sont ainsi contrôlés par leur propre produit de sécrétion, via une influence rétroactive et paracrine sur des autorécepteurs. Ce contrôle peptidergique multi-cibles cellulaires permet en fait aux messages nerveux afférents d’être finement modulés et façonnés de façon à ce que le message nerveux final (celui des neurones OT) puisse déclencher la libération hormonale la plus adéquate pour assurer la fonction physiologique requise (par exemple décharge tonique pour une libération hormonale tonique, décharge rythmique synchrone pour assurer une libération pulsatile). Reconfigurer les réseaux neuronaux pour optimiser les modalités de décharge neuronale n’est pas la seule fonction assurée par les peptides. En effet les neuropeptides peuvent aussi agir en tant qu’interrupteur/ commutateur agissant sur des afférences sélectives (excitatrices ou inhibitrices), sélectionnant ainsi parmi les informations afférentes, les plus judicieuses à la fonction physiologique requise. Cette capacité qui reste sous la dépendance des informations afférentes, devient primordiale lorsque qu’un neurone peptidergique doit assurer plusieurs fonctions physiologiques, et lorsqu’elles sont sollicitées simultanément, l’une doit être exprimée prioritairement.
La modélisation mathématique d’un réseau neuronal construit à partir de toutes les observations expérimentales résumées ci-dessus, montre que les bursts peuvent apparaître comme une propriété émergente de ce réseau. La topologie de ces neurones a été modélisée en introduisant n neurones et nb faisceaux de dendrites, chaque neurone ayant deux dendrites allouées de façon aléatoire à des faisceaux différents. Chaque modèle neuronal est un ” leaky integrate-and-fire model ” modifié. Les modifications incluent (i) le HAP (hyperpolarising after potential) de façon à reproduire la distribution des intervalles inter-PA et le profil des bursts in vivo ; (ii) le AHP (after hyperpolarising potential) responsable de la forte réduction d’excitabilité après une intense activation (i.e., le burst) et qui est accrue lors de la lactation. Le modèle neuronal est soumis à des potentiels post-synaptiques excitateurs et inhibiteurs stochastiques (pas d’afférences pacemakers). La libération dendritique est couplée de façon non linéaire à l’activité électrique et facilitée pour des hautes fréquences de potentiels d’action. Les interactions dendro-dendritiques sont modélisées par des éléments qui miment les actions excitatrices de l’OT (dépolarisation, réduction activité-dépendante du seuil de naissance des potentiels d’action) et les effets autocrines des endocannabinoïdes et de l’adénosine qui modulent par un effet feed-back inhibiteur la fréquence des entrées synaptiques excitatrices et inhibitrices.
La modélisation mathématique des mécanismes impliqués dans cette signalisation volumique peptidergique complexe interneuronale et bidirectionnelle, a permis de proposer un concept fonctionnel original qui pourrait expliquer de nombreuses autres activités cérébrales similaires : le peptide libéré assure par un mécanisme de feed-back positif massif, la coordination étroite de la population des neurones OT, selon un processus émergent qui se développe sans un seul leader, à la façon des mouvements synchrones et parfaitement coordonnés d’un ban de poissons ou d’une bande d’oiseaux assemblés.
Ce concept, développé par des neurobiologistes et des théoriciens et publié dans Plos Computational Biology (Rossoni E, Feng J, Tirozzi B, Brown D, Leng G, et al. (2008) Emergent Synchronous Bursting of Oxytocin Neuronal Network). a été remarqué par la presse internationale (médicale ou non) car susceptible d’expliquer de nombreuses autres activités cérébrales de même type.
Voir les sites :
http://news.bbc.co.uk/1/hi/health/7513267.stm
“Using a mathematical model, the researchers worked out that this release (of OT) from the dendrites allows a massive increase in communication between the neurons, co-ordinating a “swarm” of oxytocin factories producing intense bursts of the hormone. This is an example of an “emergent process”- a closely co-ordinated action developing without a single leader, in the same as a flock of birds or insects swarms. The model gives us a possible explanation of an important event in the brain that could be used to study and explain many other similar brain activities”.
http://www.google.fr/search?hl=fr&q=computational+biology+oxytocin&btnG=Recherche+Google&meta
“The researchers were able to demonstrate that during suckling, oxytocin cells being releasing the hormone not only from their nerve endings, but also from their dendrites – part of the neuron that is usually associated with receiving information, not transmitting it. Dendrites usually construct a weak neural network, but the scientists have determined that oxytocin coming from the dendrites enhances the communication between neurons and begins a positive-feedback process on activity. This ultimately leads to and manages the observed “swarm” of oxytocin – massively intense and recurring bursts of release. “Many neurons make peptides that act as messengers within the brain, and many of these are also released from dendrites, so this model may reflect a common pattern-generating mechanism in the brain” conclude the authors.”
La libération peptidique, est un processus qui se produit dans de nombreuses sinon toutes les zones du cerveau. Elle est une caractéristique clef du contrôle de l’information dans les réseaux neuronaux, via des mécanismes de cross-talk et de contrôle autocrine-paracrine. Les peptides constituent une large classe de molécules de signalisation et de nombreux peptides sont exprimés dans différentes populations neuronales. Quelques uns d’entre eux sont ‘répandus/diffusés’ dans le cerveau par transmission volumique, plutôt que par transmission synaptique spatialement précise. Les neurones hypothalamiques qui libèrent la même hormone sont généralement ‘liés’ ensemble par le moyen d’autorécepteurs pour le peptide qu’ils produisent. Ainsi les petites quantités de peptide libéré localement ‘lient’ la population de neurones dans une activité coordonnée, permettant de développer une activité par bursts synchronisés, qui peut alors initier une vague de sécrétion qui par diffusion volumique, peut atteindre des sites plus distants dans le cerveau. Tandis que les neurones échangent l’information via des potentiels d’action, les neurones endocrines démontrent leur originalité dans la mesure où ils sont capables de générer un signal hormonal en coordonnant leur activité électrique de façon physiologiquement plastique.
Quelques articles et revues pour en savoir plus :
Hussy N. Glial cells in the hypothalamo-neurohypophysial system: key elements of the regulation of neuronal electrical and secretory activity. Prog Brain Res. 2002;139:95-112. Review.
Hussy N, Deleuze C, Brès V, Moos FC. New role of taurine as an osmomediator between glial cells and neurons in the rat supraoptic nucleus. Adv Exp Med Biol. 2000;483:227-37.
Hussy N, Deleuze C, Desarménien MG, Moos FC. Osmotic regulation of neuronal activity: a new role for taurine and glial cells in a hypothalamic neuroendocrine structure. Prog Neurobiol. 2000 Oct;62(2):113-34
Moos F. & Desarmenien M. Determinant control of neuronal network activity by Vasopressin and oxytocin released from dendrites in the hypothalamus. In Dendritic Transmitter Release. Mike Ludwig Ed. Kluwer Academic/Plenum Publisher. 2005
Moos F.C. – GABA-induced facilitation of the periodic bursting activity of oxytocin neurones in suckled rats. J. Physiol. (Lond.), 1995, 488, 103-114.
Ludwig M, Leng G. Dendritic peptide release and peptide-dependent behaviours. Nat Rev Neurosci. 2006 Feb;7(2):126-36. Review.
Ludwig M, Sabatier N, Bull PM, Landgraf R, Dayanithi G, et al. (2002) Intracellular calcium stores regulate activity-dependent neuropeptide release from dendrites. Nature 418: 85-89.
Palin K, Moreau M.L, Orcel H, Duvoid-Guillou A, Rabié A, Kelley K.W, Moos F. Age-Impaired Fluid Homeostasis Depends on the Balance of IL 6/IGF-I in the rat Supraoptic Nuclei. Neurobiol Aging. 2008 Feb 4; [Epub ahead of print]
Palin K, Moreau ML, Sauvant J, Orcel H, Nadjar A, Duvoid-Guillou A, Dudit J, Rabie A, Moos F. Interleukin-6 Activates Arginine-Vasopressin Neurons in the Supraoptic Nucleus during Immune Challenge in Rats. Am J Physiol Endocrinol Metab. 2009 Mar 3. [Epub ahead of print] (2009).
Rosso L, Peteri-Brunbäck B, Poujeol P, Hussy N, Mienville JM. Vasopressin-induced taurine efflux from rat pituicytes: a potential negative feedback for hormone secretion. J Physiol. 2004 Feb 1;554(Pt 3):731-42. Epub 2003 Nov 14.
Rossoni E, Feng J, Tirozzi B, Brown D, Leng G, Moos F. Emergent synchronous bursting of oxytocin neuronal network. PLoS Comput Biol. 2008 Jul 18;4(7):e1000123.
Wang YF, Hatton GI Milk ejection burst-like electrical activity evoked in supraoptic oxytocin neurons in slices from lactating rats. J Neurophysiol (2004) 91: 2312-2321.