Gareth Leng
Centre for Integrative Physiology, University of Edinburgh
Traduction de Françoise Moos (Présidente de la SNE, Institut François Magendie Bordeaux )
Initialement le neurone ” endocrine ” était considéré comme un neurone classique, libérant son produit de sécrétion, en général un peptide, dans la circulation générale pour agir sur des cibles relativement distantes. Nous ne savions pas quel était leur degré de similitude avec les autres neurones, mais ils étaient suffisamment intéressants en eux mêmes pour les étudier, car ils étaient la source de nombreuses idées et permettaient parfois de comprendre comment les neurones localisés dans d’autres régions du système nerveux central pouvaient se comporter.
Pendant longtemps l’hypothalamus neuroendocrine a été la “Cendrillon” au sein des Neurosciences, complètement éclipsée par ses soeurs, le cervelet et l’hippocampe. L’hippocampe nous promettait la compréhension de la mémoire alors que le cervelet nous promettait le savoir, et ensemble ils nous firent bien comprendre que le processus d’information par le cerveau s’effectue au niveau des synapses qui interprètent les signaux véhiculés par les neurotransmetteurs à action rapide; et que l’expérience altère ce processus par une plasticité dépendante de l’activité électrique.
Les ans ont embelli et complété cette vision avec des couches de complexité, mais le concept lui, est essentiellement resté inchangé : l’information dans le cerveau est une cacophonie de potentiels d’action se précipitant dans quelques milliards d’axones pour déclencher chaque seconde des centaines de milliards de minuscules signaux synaptiques, d’une cellule à l’autre dans un réseau au sein d’autres réseaux, eux mêmes inclus dans d’autres réseaux, et par miracle, explicable seulement par notre incapacité à comprendre cette complexité, l’information est traitée de façon à fournir issue cohérente et parfois judicieuse.
Pendant ce temps, les systèmes neuroendocriniens classiques ont continué de fournir, les éléments nécessaires à la compréhension de systèmes contrôlant des organes tels les reins et les gonades, bénéfices somme toute assez banaux mais néanmoins importants. Malgré tout, alors que la neuroendocrinologie élargissait son champ aux systèmes peptidergiques de l’hypothalamus ainsi qu’aux interactions entre systèmes hormonaux et comportementaux, la vision émergeante “hypothalamocentrique” du cerveau commença à se différencier de la vision classique. Premièrement, elle embrasse la diversité des phénotypes neuronaux – les différences dans la fonction des neurones ne reflétant plus seulement et principalement des différences de connectivité. Deuxièmement, elle relève le défi de comprendre pourquoi tant de peptides différents sont nécessaires à la signalisation, alors que ce qui particularise la vision classique, c’est la dichotomie entre les actions post-synaptiques inhibitrices et excitatrices. Troisièmement, elle admet que les comportements clefs semblent être gouvernés par la distribution des récepteurs dans le cerveau plutôt que par la cartographie de la connectivité. Quatrièmement, elle fait face à la découverte peu confortable que “la délivrance grossière” de peptides au niveau central peut avoir des issues comportementales cohérentes – observations difficiles à réconcilier avec la conviction que le traitement de l’information nécessite un raffinement spatial et temporel de la signalisation.
La vision émergeante du cerveau hypothalamocentrique est éclairée par la découverte que l’information transférée entre neurones par les peptides est gouvernée par des règles différentes de celles qui régissent la libération conventionnelle de neurotransmetteurs (schéma ci-dessous), et que la portée des actions des neuropeptides est différente – peut être plus particulièrement dans leur capacité à reconfigurer fonctionnellement les réseaux neuronaux dans le cerveau. La neuroendocrinologie concerne directement des questions qui nous intéressent/touchent profondément, tels l’obésité, le dysfonctionnement sexuel, la dépression, la régulation cardiovasculaire, les réponses immunes, le stress, les désordres comportementaux, questions centrales aux problèmes de santé contemporains ; la neuroendocrinologie possède aussi la plupart des meilleures histoires en neurosciences, des histoires capables de capter l’imagination des scientifiques et du public de la même façon; elle dresse aussi une image du cerveau qui remet profondément en question l’image que l’on s’en fait classiquement.
Ludwig et al. Nature (2002) 418.
Sabatier et al. J. Neurosci. (2003) 23.