Qui était Jacques BENOIT ?
Jacques Benoit lors du colloque de Neuroendocrinologie des Vertébrés,
Paris 24-27 Septembre1969 – Copyright© SNE 2002
Jacques Benoit naît en 1896. Dès l’âge de 9 ans, “attiré par les merveilles de la variété des êtres vivants et la structure de leurs organes”, il observe au microscope des tissus animaux et végétaux
En 1912, à l’âge de 16 ans, il obtient une médaille de vermeil de la Société Française de Photographie pour des clichés histologiques en couleurs. A cette occasion, il rencontre Pol Bouin, titulaire de la Chaire d’Histologie de la Faculté de Médecine de Nancy. Il décide aussitôt d’entrer dans son équipe, mais la guerre de 14, à laquelle il participe en devançant l’appel, retarde son projet. Ce n’est qu’en 1919, après une longue captivité, qu’il rejoindra Bouin à Strasbourg. Celui ci lui conseille alors de travailler sur les caractères sexuels secondaires des oiseaux.
Pendant les grandes vacances de 1933, il a l’occasion de lire un mémoire de Bissonnette relatant la forte stimulation des testicules de l’étourneau sous l’influence de l’éclairement artificiel. Il réussit à démonter le mécanisme de ce phénomène : le réflexe photosexuel. Selon ses propres termes : “entre ce facteur cosmique la lumière et les glandes génitales, des chaînons s’interposaient, qu’il fallait découvrir : un photorécepteur, l’oeil peut-être, qui devait probablement commander un chaînon nerveux, puis un chaînon hormonique (sic). D’emblée se posait là un problème neuroendocrinien.” Il choisit comme modèle le canard domestique car son cycle sexuel testiculaire est fortement accentué, l’animal est gros, robuste, facile à manier et son bec suffisamment volumineux pour qu’on puisse, après fixation sur un banc de contention, immobiliser sa tête et y pratiquer certaines interventions (ex: la pose de lunettes de couleurs…). Pendant la fin des années 30, à Strasbourg, puis à la Faculté de Médecine d’Alger de 1938 à 1946, il met en évidence trois faits expérimentaux :
1) des canetons impubères, de race Pékin ou Rouen, de 3 à 5 mois, soumis à des éclairements quotidiens de 15 h en lumière blanche présentent une très forte croissance testiculaire (de 60 à 80 fois en poids).
2) un éclairement intermittent pendant la même durée est particulièrement actif…
3) l’hypophyse antérieure est absolument nécessaire à la gonadostimulation photique
Jacques Benoit aimait à raconter que la deuxième constatation faillit le conduire en conseil de guerre et le faire condamner pour haute trahison. En effet, le 8 Novembre 1944, il entreprit, avec son collaborateur Jean Clavert, une expérience dans un poulailler en plein air situé dans la cour de la Faculté de Médecine d’Alger. Pour cette expérience, les canes étaient soumises, pendant la nuit, pour stimuler leurs ovaires, à des éclairs de lumière réglés par une minuterie, car ce procédé était à la fois plus économique et plus efficace qu’un éclairement continu. Or, le 9 novembre 1944, les troupes américaines libératrices débarquaient à Alger ! Ce même 9 novembre au matin, lorsque Jean Clavert arriva au laboratoire, il y trouva le chef d’ilôt de la défense passive qui lui dit : “Il y a ici des traîtres qui, toute la nuit, ont envoyé des signaux lumineux aux avions américains qui survolaient la ville avant le débarquement. Nous n’avons pu en déterminer l’origine mais nous enquêterons et prendrons les mesures nécessaires”. Heureusement pour la neuroendocrinologie (et surtout pour la France !), le débarquement allié réussit en quelques heures et Jacques Benoit ne fut pas inquiété.
De retour en métropole, nommé Professeur à l’Université de Strasbourg, il rencontre Yvan Assenmacher avec lequel il allait réaliser ses expériences histo-physiologiques, désormais classiques, sur le complexe hypothalamo-hypophysaire du canard; expériences qui allaient permettre de confirmer la théorie neuro-humorale de Green et Harris, avec plus d’évidence que chez les mammifères puisque, chez le canard, il était possible de sectionner sélectivement les veines portes ou les fibres nerveuses. En 1957, il crée le laboratoire de Photobiologie du CNRS à Gif-sur-Yvette où il continue ses recherches en Neuroendocrinologie et s’engage dans une nouvelle voie pour tenter de modifier certains caractères héréditaires du canard par injection interraciale d’ADN. Mais ceci est une autre histoire…