Résumé
Chez la femelle, la reproduction est contrôlée par des interactions complexes entre le cerveau, la glande hypophysaire et les ovaires. Chacun de ces organes produit des hormones spécifiques et chacune de ces hormones agit sur les autres organes pour en moduler le fonctionnement. Faire la différence entre la cause et la conséquence de la sénescence de la reproduction chez les mammifères est aussi compliqué que de résoudre l’énigme de la poule et de l’œuf. De manière surprenante, des données récentes soulignent le rôle important que pourrait avoir le cerveau dans le déclenchement et la mise en place de la sénescence de la reproduction.
Les mécanismes du vieillissement des capacités de reproduction.
La ménopause est une conséquence inéluctable du vieillissement chez la femme. Bien que ce phénomène concerne la moitié de la population humaine, les mécanismes biologiques qui en sont à l’origine sont encore mal compris. Personne ne s’est posé la question de savoir si les changements ovariens au cours du vieillissement, plus particulièrement la perte des follicules ovariens, sont des signes de la ménopause. Pourquoi les follicules diminuent-ils de manière exponentielle et disparaissent-ils définitivement chez les femmes d’âge mur ? Ce processus pourrait, en partie, dépendre d’un signal donné par une horloge ovarienne, et programmé pour s’arrêter vers cinquante ans. Cependant d’autres mécanismes pourraient intervenir, en particulier au niveau du cerveau. En effet, l’ovaire n’est qu’une partie des trois niveaux du système reproducteur des mammifères. La reproduction se met en place suite à un signal produit par des neurones de l’hypothalamus, une région située à la base du cerveau. Ce groupe de neurones synthétise et secrète dans le système capillaire vers la glande hypophysaire, une hormone peptidique, la GnRH (pour Gonadotrophin-Releasing Hormone en anglais). La GnRH stimule alors une sous population de cellules hypophysaires qui sécrètent des hormones connues sous le nom d’hormones gonadotropes. Ces hormones transportées via la circulation générale, vont agir sur les ovaires, stimulant ainsi les processus de la reproduction tels que la synthèse et la sécrétion des hormones sexuelles stéroïdiennes (œstrogène, progestérone…), les cycles menstruels, le développement folliculaire et l’ovulation. Ces trois niveaux du système reproducteur, l’hypothalamus, l’hypophyse et les ovaires, doivent fonctionner en parfaite synchronie pour que la reproduction se déroule normalement. Au cours du vieillissement chaque changement à l’un de ces niveaux entraîne un déficit de la fonction de reproduction.
Deux autres mécanismes interviennent pour contrôler la reproduction et peuvent à leur tour être altérés par l’âge. Premièrement, les hormones stéroïdiennes ovariennes, en particulier les oestrogènes et la progestérone, et des hormones protéiques ovariennes comme l’inhibine, exercent un rétrocontrôle complexe sur la sécrétion de la GnRH hypothalamique et/ou des hormones gonadotropes hypophysaires. Toute modification de la synthèse, sécrétion, transport ou liaison de ces hormones ovariennes à leur récepteur, ou toute altération du nombre, de la localisation et de la fonction des récepteurs, peut affecter les processus de reproduction. Deuxièmement, des contrôles supplémentaires s’exercent sur l’hypothalamus au travers d’un réseau complexe de circuits neuronaux qui régulent l’activité des neurones à GnRH. De nombreux neurotransmetteurs centraux incluant (mais pas seulement) le glutamate, le GABA et la noradrénaline, ainsi que des facteurs neurotrophiques régulent différemment les neurones à GnRH chez les animaux jeunes ou âgés. Ainsi, au cours du vieillissement les sites potentiels pouvant contribuer à la sénescence de la reproduction sont nombreux.
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…il est clair que la réponse des neurones à GnRH à ces influences aboutit au déclin lié à l’âge
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Description schématique des nombreux organes du corps impliqués dans le contrôle de la reproduction. Non seulement la fonction hypothalamo-hypophyso-gonadique change avec le vieillissement, mais le rétrocontrôle des hormones ovariennes et des neurotransmetteurs cérébraux qui régulent les neurones à GnRH subissent aussi des changements fonctionnels liés à l’âge. Ce réseau complexe contrôle la reproduction au cours de la vie et le vieillissement de ces réseaux conduit à une perte des capacités de reproduction. (Merci à Jackie Maffucci pour ses commentaires éclairés, Belinda Lehmkuhle pour ses qualités artistiques dans la réalisation des schémas et le NIH AG16765 et AG028051 pour son aide financière).
Jeu de rôle : le cerveau
La perception que nous avons du fonctionnement de notre cerveau – qui n’est pas aussi performant à l’âge mûr que pendant la jeunesse – reflète bien le déclin normal lié à l’âge, des fonctions nerveuses contrôlant la cognition, l’apprentissage et la mémoire. Qui a-t-il de commun entre ce déclin et le vieillissement de la reproduction ? Il se trouve que les neurotransmetteurs responsables du contrôle des processus cognitifs dans l’hippocampe et le cortex, font également partie des circuits neuronaux régulant les neurones hypothalamiques responsables de la reproduction. De plus, ces circuits neuronaux peuvent exprimer le récepteur des oestrogènes permettant ainsi aux stéroïdes de contrôler, en retour, les fonctions cérébrales. Ainsi tout changement du nombre ou des propriétés de ces récepteurs au cours du vieillissement peut modifier le fonctionnement des neurones secrétant la GnRH. La question est de savoir si, oui ou non, les changements (liés à l’âge) des neurotransmetteurs hypothalamiques contrôlant la sécrétion de la GnRH, initient ou contribuent à la perte de la fonction de reproduction. Ces influences varient certainement avec les espèces, mais il est clair que la réponse des neurones à GnRH à ces influences aboutit au déclin lié à l’âge.
Jeu de rôle : les conséquences
La perte combinée des fonctions et des réponses hypothalamiques, hypophysaires et ovariennes conduit irréversiblement à un ” échec ” de la reproduction à l’âge mûr. Une conséquence biologique cohérente de ces processus est l’importante diminution des concentrations circulantes d’hormones stéroïdiennes qui deviennent identiques à celles précédant la puberté. La très forte diminution des oestrogènes peut entraîner de l’ostéoporose, des bouffées de chaleur, une sécheresse vaginale et des changements cardiovasculaires. D’un point de vue neurobiologique, la suppression des oestrogènes a des effets significatifs sur le cerveau, pas uniquement sur la circuiterie hypothalamique, mais aussi sur des fonctions non liés à la reproduction comme les fonctions cognitives et l’état psychologique. Ces effets sont liés à la large distribution des récepteurs des oestrogènes dans tout le cerveau.
La plupart du temps, le traitement par les oestrogènes est la seule thérapie efficace pour de nombreux symptômes associés à la ménopause. Le moment et la durée de la disparition des oestrogènes sont des informations clés pour décider quand, ou si, il faut débuter une thérapie aux oestrogènes pour traiter les symptômes de la post-ménopause. Des études récentes chez la femme ont permis d’identifier la ” péri-ménopause ” – moment de la vie que les femmes franchissent pour arriver à l’état de post-ménopause – comme une fenêtre critique, déterminante pour le succès des traitements. Les recherches sur les modèles animaux confirment l’importance d’un traitement hormonal dans un délai relativement court après la disparition des stéroïdes, et soulignent la nécessité d’utiliser des hormones naturelles adaptées comme les oestrogènes naturels et la progestérone. Les résultats de ces études sont encourageants, et montrent l’amélioration des fonctions altérées par l’âge, comme le déclin des fonctions cognitives, les troubles de l’humeur et les bouffées de chaleur. Ainsi, la compréhension du rôle du cerveau au cours du vieillissement est la clé pour améliorer la qualité de vie d’un groupe démographique destiné à vivre longtemps, bien après la survenue de la ménopause.
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Traduction :
Françoise Moos, Laboratoire PsyNuGen, Université Bordeaux2, Bordeaux Cedex
Yves Tillet , INRA-Physiologie de la Reproduction et des Comportements, Nouzilly
Cette brève est produite par la British Society for Neuroendocrinology et peut être utilisée librement pour l’enseignement de la neuroendocrinologie et la communication vers le public.
©British Society for Neuroendocrinology et Société de Neuroendocrinologie pour la traduction.